you're making me nervous // SEVEN

Tu tires la tronche. C'est une habitude avec toi. Ils peuvent se vanter, ceux qui t'ont déjà vu sourire, ou même rire. Bon en vrai faut pas abuser, tu souris parfois, quand t'es avec ceux que t'aime bien. Quant t'es pas en train de gueuler pour un rien. C'est souvent le soir, au coin du feu quand certain racontent des histoires, que tu souris. Parce que l'ambiance est calme, familiale, et certaine personnes te font rire, bien que le lendemain tu les oublies. Parce que tu veux pas t'attacher. Y'a déjà Wolf et c'est suffisant. C'est même trop.

Pourquoi est-ce que tu fais la gueule, aujourd'hui ? Une raison particulière ou est-ce seulement pour la plaisir de partager ta tête de mal luné à toute la cité ? T'en sais rien en réalité. T'as tellement prit l'habitude de te protéger, de te braquer, que c'est presque devenu ton visage neutre au final. Tu marches dans la cité, tu viens de quitté Wolf après un entrainement. C'est d'ailleurs surement lui qui t'a foutu en rogne, à toujours te faire des réflexions.

T'entends des rires. Des idiots de garçons, Seven dans le lot. Si y'en a un que tu peux pas blairer, pas te voir en peinture, c'est bien ce glandu de Seven. Pendant que toi, tu veux qu'on te confie des tâches importantes, lui à l'inverse, s'il pouvait se la couler douce toute la journée dans un hamac il ne se ferait pas prier, et ça t'énerve. C'est un bon à rien, un abruti fini. Alors pourquoi tu remets tes cheveux en place, quand tu passes prêt de lui et sa bande ? C'est ça, qui te saoule le plus. Toi-même. Parce que t'as pas envie qu'il vienne te faire chier autant que t'as envie qu'il te remarque. Et clairement te fais pas d'idées Rouge, t'es juste un jeu pour lui, la rouquine qui s'emporte à la moindre brise. Celle qui gueule et le fait rire. Dès qu'il s'est bien fendu la poire il retourne voir sa copine, et toi tu restes là. Vraiment, tu peux pas te le blairer ce type. Et il rigole, s'agite avec ses potes. Et voilà qu'il te bouscule sans faire exprès, mais que tu manques de tomber. Oh putain, tu vas te le faire. Tes mains se posent sur son torse et tu le pousses toi aussi. « Putain tu peux pas faire attention, crétin ?! » À peine tu t'énerves que tes joues rougissent. Tu contrôles pas, c'est comme ça avec toi.

Une belle journée sur l'île. Comme d'habitude, Seven n'avait pas grand chose à faire. Après s'être gratifié d'une grasse matinée, il s'était mis à traîner çà et là. On l'avait affublé de tâches chiantes à faire et ça avait fini par le gaver. Il en a fait quelques une, puis s'est accordé une pause près de la plage, une heure, peut-être deux. Que c'était bon de flâner. On ne lui avait jamais autorisé, dans la vraie vie. Il y avait toujours quelqu'un dans son dos pour le pousser à ne pas rester les bras croisés. Il devait toujours travailler pour les cours ou s'entraîner pour ne rien perdre de sa carrière florissante dans l'équipe de foot de l'université. Nil, pour lui, c'était comme un grand camp de vacances. Personne, ou presque, pour le faire chier. Fallait pas oublier de se méfier des dangers de l'île, certes, mais pour le peu de fois où il quittait la Cité, il ne risquait pas grand chose, à l'ombre des palmiers.

Après son éreintante journée de travail, il avait rejoint son groupe de potes et sa belle Lily. Ils s'étaient regroupés dans un coin du camp, s'amusaient à se charrier. Seven salua la jolie blonde d'un smack rapide et checka ses amis qui l'accueillaient comme le Messi de la flemmardise. Il avait fait sa réputation auprès de ses potes, certains le jalousaient pour sa nonchalance et les non-conséquences de ses non-actes. Ils en pouvaient plus de ce sourire qui faisait passer chacune de ses conneries comme une lettre à la poste.
Mais Seven, lui, il s'en foutait. Il retrouvait ses potes comme s'il était à la fac, prêt à s'éclater durant la fin de journée. Pire qu'un gosse. Un ado pourri gâté et même orgueilleux.
« Eh Seven, provoqua l'un des gars en le poussant pour l'emmerder, t'en a pas marre de rien branler ?! »
Le branleur pouffait alors qu'il rentrait dans une personne sur son passage. Il se retourna pour s'excuser - ouais parce qu'il est poli quand même, mais lorsqu'il croisa le regard de Rouge, son expression changea du tout au tout. La petite démone lui rendit son coup, bien qu'il fut involontaire, et ses joues s'enflammèrent. Seven, lui, souriait de toutes ses dents. « Putain ressaisis-toi » Il était juste trop heureux de la retrouver. Et encore plus quand elle était dans tous ses états. Elle en était plus mignonne encore.
« Ho, excuse-moi ma jolie coccinelle, s'exclama-t-il en portant ses mains à sa bouche, exagérant beaucoup trop ses fausses excuses. J'avais pas vu que tu traînais encore autour de moi. »
Il faisait le malin, comme toujours. Qu'est-ce qu'il aimait la voix doucereuse qu'il prenait pour s'adresser à elle, ses pupilles claires dans lesquelles brûlaient les flammes de l'Enfer et les regards noirs de Lilly. Il se sentait au beau milieu d'un fléau à feu et à sang. Bientôt, elles s'allieraient pour jouer aux fléchettes en prenant sa tête pour cible.
« Allez, faut pas s'énerver pour ça quand même. »
Mais qu'est-ce qui énervait plus que cette phrase-là, justement ? Pas grand chose, je crois.

@rouge

Y'a ton sang qui n'fait qu'un tour quand sa langue crache ce surnom. Coccinelle qui vient percer tes oreilles. T'as envie de rester dans la même thématique et de l'écraser comme un insecte. Tu détestes quand il ose t'appeler comme ça, ce mec de rien. Il n'est personne pour toi alors qu'il se permet d'être quelqu'un. Et tu le haïs encore plus. Y'a ses potes qui rigolent, sa meuf qui se vénère, parce que tu sens les regards noirs sur toi, la jalousie qui l'emporte, la Lily, alors que toi t'as rien demander. Tu veux juste faire ta route loin de ce merdeux qui pourtant te trouble, te rend nerveuse quand il est là, proche de toi. Quand il utilise le possessif MA. T'es pas à lui, t'es à personne. Surtout pas à ce connard. « Ferme là, j'suis pas ta coccinelle et d'abords je traines pas autour de toi ! » Tes joues sont encore plus rouges. Est-ce que tu es gênée, embarrassée, ou alors simplement en colère ? C'est certainement un peu des trois à la fois. Tu perds tes moyens face à cet idiot qu'est une bête de scène devant ses potes, qu'amuse la galerie, te prenant pour assistante sans que tu n'es ton mot à dire. Tu dois te concentrer pour pas bégayer et passer pour une idiote, parce que ce serait le pire, que tu te ridiculises devant cet imbécile. « Et je suis pas énervée, enfin je l'étais pas ! Mais c'est toi, ta tête de con, qui me revient pas ! » Tu beugles gamine, personne ne te prend au sérieux. Y'a ses potes qui rient, qu'attendent de voir, ils seraient presque à lancer des paris, à miser sur le bon cheval.

Tes sourcils sont froncés, tes yeux plissés. T'es incapables de cacher tes émotions, ton visage est beaucoup trop expressif. Et punaises tes joues, si rouges. Si chaudes. En feu, comme ton esprit, comme le coeur. Comme tes poings que t'as envie de lui fracasser sur sa belle gueule. « Alors maintenant retourne jouer avec tes p'tits copains et ta nana, et lâche moi la grappe, connard ! »

Comme d'habitude. Ce scénario se déroulait presque tous les jours. Rouge qui piquait une crise. Seven qui la taquinait. Ses potes qui mouraient de rire derrière lui. Lilly qui tirait la gueule. Un portrait que certains auraient sûrement pris beaucoup de plaisir à retracer. La même rengaine quotidienne, ou quasiment. Un refrain entêtant qui ne lassait ni Seven, ni Rouge, visiblement.
Parce que si elle le détestait autant qu'elle le signifiait, elle ne traînerait pas si proche de lui à longueur de journée, non ? C'était ce dont Seven essayait de se persuader. Il espérait, que d'une manière ou d'une autre, il lui ait tapé dans l'oeil. Même s'il ne le formulait pas comme tel, au fond de lui, c'était un défi personnel qu'il s'était lancé pour pimenter sa vie sur Nil. Les vacances avaient assez duré, il fallait mettre la main à la pâte. Mais... Pas dans le sens que la plupart des habitants de la Cité l'imaginaient, malheureusement.

Sans surprise, Rouge nia en bloc les accusations de Seven. Elle réfuta même ce joli surnom dont il l'avait affublée. Coccinelle, ça lui allait pourtant si bien. Petit, mignon, et tout rouge. Comme elle. Beaucoup l'appelaient Chaperon, mais Seven aimait bien faire dans l'original. C'était comme une petite attention signée de sa patte à son égard.
« C'est pas grave, ça te va bien. Je continuerai de t'appeler comme ça, du coup. »
Il ne pensait pas cela possible, mais les pommettes de Rouge redoublèrent d'intensité. Un sourire taquin aux lèvres, il se les mordit pour ne pas céder au rire trop facile, même s'il était amusé par la situation.
« Eh, mais j'ai rien fait moi, nia-t-il en agitant ses paumes ouvertes devant lui. T'as voulu voir ce que ça faisait de frôler la perfection, ça s'comprend. »
Il se pencha légèrement vers elle, lui souffla sur le ton de la confidence ;
« T'inquiète, les autres l'ont même pas remarqué. Ca restera entre nous. »
Clin d'oeil. Sourire charmeur. Des palpitations qui agitaient son coeur. Et le regard noir, non, plutôt monstrueux, de Lilly à l'égard de Seven.


@rouge

Mais c'est qu'il n'en a rien à foutre de ce que tu lui dis ! Et ça te fout en rogne, vraiment. Tu détestes ce surnom mais t'es trop énervée pour te rendre compte que c'est parce que tu le haïs, que Seven continu de l'utiliser. Tu sais pas pourquoi il est comme ça avec toi, à toujours te chercher, toujours te faire chier pour faire marrer ses potes. Oui parce que toi, tu vois pas plus loin. T'imagines pas une seule seconde que s'il aime tant t'embêter, c'est parce qu'il pourrait bien t'apprécier, dans le fond. Non, pour toi Seven, c'est juste une connard qui t'a prit en proie et qui s'amuse à te faire chier parce que tu pars au quart de tour.

Tu souris, l'air moqueuse, quand il s'identifie comme étant la perfection. « La perfection des culs, ouais ! » C'est nul, mais tu perds tes moyens. Encore plus quand il se penche vers toi, t'as un mouvement de recule alors qu'il parle tout bas, comme une confidence, juste pour toi. Tu rougis encore plus, tu savais même pas que c'était possible. Là c'est pas de la colère, mais c'est parce que t'es troublée. De ses mots. De son clin d'oeil. De son sourire. Y'a ton coeur qui palpite, ton ventre qui se noue. Et tu détestes cette sensation. « Ar.. » T'avales ta salive, tu fronces les sourcils. Y'a tes mains qui se reposent sur son torse pour le repousser. T'aimes pas qu'il se permette ce genre de rapprochement avec toi. T'aimes pas du tout, parce que c'est étrange l'effet que ça te fait. « Arrête de me faire chier, constamment ! Putain mais trouve toi une vie, j'suis pas ton souffre douleur ! J't'aime pas, j'en ai rien à foutre de ta gueule, et moi ça m'amuse pas que tu viennes toujours me faire chier ! » Cette fois, c'est toi qui ta rapproche, l'air menaçant et en même temps, si peu sûre de toi. « A..Alors maintenant t'arrête, sinon j'te fous ma main dans la gueule, Seven ! »

Elle fulminait. Elle trépignait sur ses pieds, ses poings étaient serrées. Ses lèvres se tordaient dans une mimique furieuse, ses pommettes brûlaient plus ardemment que les flammes bienfaitrices du campement. Sa chevelure rousse éclatait sous les rayons du soleil, ses reflets donnaient l'impression que la jeune fille allait s'enflammer d'un instant à un autre. Seuls ses yeux bleus fendaient cet incendie dévastateur. Comme un miroir qui conduisait tout droit en son âme. Une petite pause au milieu de cette inondation enflammées.

Seven imita l'air moqueur de la coccinelle lorsqu'elle l'affubla du titre de perfection des nuls. Il ne se retint pas, il éclata de rire. Ca venait du plus profond de son coeur, ça débordait d'honnêteté, il se sentait presque fier d'avoir ce titre-là. Au moins, il était la perfection de quelque chose à ses yeux.
Elle parut troublée lorsque le jeune homme se permit une proximité soudaine. Lui, ça l'amusait, mais elle. Elle était troublée. Elle en bafouillait. Elle mit quelques instants à réagir. Des instants révélateurs. Rouge finit par le repousser, les mains bien à plat sur son torse, certainement pour tenter de mieux faire passer son message. Elle affilia ce geste à un discours plein de mots pas beaux, définissant toute la haine qu'elle devait ressentir à son égard. Se rapprochant, soudainement requinquée d'une force nouvelle, ou presque, elle lui intima de la laisser en paix au risque de se ramasser une belle tarte. Ô, mais ce serait un honneur de recevoir un tel acte d'émotion de la rousse.
« Moi, je te fais chier ? demanda-t-il de la voix la plus posée du monde en posant une main sur son torse. Moi je discute, c'est tout hein. Pas vrai les gars ? »
Il se retourna vers ses potes pour trouver vers eux une affirmation. Ils acquiescèrent en lançant des "ouais", "c'est clair" ou encore "de ouf !". Ils sentaient que la température montait entre les deux meneurs de la conversation, tout comme du côté de Lilly qui allait bientôt battre en retraite. Elle aussi, elle pouvait s'énerver fort. Très fort. Mais à cet instant, Seven ne pensait pas à elle. Pas une seule seconde. Ce dernier se retourna face à Rouge, un sourire de conquérant sur ses lèvres.
« Tu vois ? Même eux ils le disent ! se défendit-il en pointant son pouce dans son dos pour les désigner. Tu t'enflammes toute seule ma coccinelle. »
Il haussa les épaules et suggéra, d'un sincérité et innocence presque troublante ;
« Fais d'la relaxation, j'suis sûr que ça te fera un grand bien ! »

@rouge

Il se marre. Ce p'tit con ce marre alors que toi t'exploses de rage. Putain, ça t'énerves encore plus, tellement que tu sais pas comment il fait, comment c'est possible qu'une personne te sorte autant par les yeux que lui. Et puis il fait participer ses potes aussi. T'es tellement rouge de colère que t'oses même pas regarder les autres abruties qui piaillent de rire en choeur avec le connard de première. Avec Seven qui ose une nouvelle fois t'affubler de ce sobriquet que tu détestes.

Tu dis plus rien Rouge, t'arrives plus à parler. Même plus à cracher ta haine. Tas juste les poings serrés. Tu sens juste les larmes qui commencent à te piquer les yeux, parce que t'es comme ça, t'arrives pas à gérer tes émotions et tu pleures dès que tu en ressens une trop forte. Là c'est la colère, la honte aussi, mêlé à un trouble que tu ne sais pas définir. Mais tu veux pas pleurer devant lui. Tu veux pas pleurer pour lui. Alors tu contrôles pas. T'exploses. Tu l'exploses lui. C'est pas une légère baffe qui se plaque contre sa joue, non. C'est carrément ton poing qui vient percuter sa face, son oeil. T'y mets toute ta rage, toute ta colère. Et c'est comme le vide. Le silence. Pourtant y'a Lilly qui est effarée. Y'a ses potes qui sont choqués. Mais t'entend plus rien. Plus personne. Seulement ton propre coeur qui bat vite vite vite vite vite beaucoup trop vite que t'as l'impression qu'il va sortir de ta cage thoracique.

Tu respires fort. T'as mal aux phalanges. C'est certain, la trace de ton coup sera visible un moment sur le visage de Seven. Et tu le regardes, t'es pleines d'incompréhension. Tu pensais que ça te ferait du bien de le frapper, mais c'est tout le contraire. Tu te sens idiote, tu te sens conne. Alors t'attends même pas de croiser son regard. T'arriverais pas à surmonter ça. À supporter ça.

Tu te casses en courant. Tu pars Rouge,
et t'espères ne plus jamais recroiser la route de Seven
même si tu sais que c'est pas possible, en vrai.

Tout à coup, il a vu Seven. Parce qu'il est pas si con que ça. Il a vu qu'il était allé trop loin. Parce que là où il était con, c'était qu'il voulait pas faire tout ça pour la blesser. Mais il connaissait pas ses limites. Elle était si émotive, si explosive. Comment les dessiner ? Lui, qui était tout l'inverse, ne savait pas comment faire autrement que répondre à ses pics. Puis, poussé par la présence de la bande, il s'était senti pousser des ailes.
Mais la frontière, celle qui ne fallait pas franchir, il l'avait vue ce jour-là. Ce jour où il avait vu toutes ces émotions dans son regard. Cet ouragan intérieur qu'elle ne pouvait pas contrôler. Mais c'était trop tard. Trop tard quand il l'eusse enfin remarqué. Quel con.

Celle-là, il l'avait pas vu venir. Des baffes, il s'en était déjà ramassé pas mal. Sa joue s'était presque habituée et il n'en ressentait plus rien. Mais des tartes pareilles. Même un gars aurait pas pu foutre autant de force dans une patate comme ça. L'explosion, elle était là. La frontière, il se l'est ramassé de plein fouet. Et putain ça faisait mal.
Si ses potes avaient pas été là pour le soutenir, il se serait étalé par terre. Il s'y attendait tellement pas. Et le coup était si fort. La douleur lui lancina le crâne et du sang chaud perla de son arcade. Il voyait flou. Il ne vit que la silhouette embrumée de Rouge qui s'en allait en quatrième vitesse.
« 'Tain, mon gars, ça va ?!
-Alors là Seven, elle t'a pas loupé.
-C'est tout c'que tu mérites, asséna Lilly en se retournant à son tour. »
Putain, c'que ça faisait mal. Au crâne comme au coeur.
Mais quel con tu fais, Seven.

@rouge