fb ∞ making it home (wolf)

Un soupire qui s’échappe d’entre tes lèvres quand la voix grave du surveillant résonne à travers la porte. Tu te redresses avec nonchalance, quittant ce grand écart que tu t’employais à tenir depuis plusieurs minutes déjà. Trois ans que t’étais enfermée dans cet asile de fous, mais tu n’en perdais pas tes repères. Souplesse, agilité, musculature. Il te fallait garder une certaine santé. Juste au cas où. Que tu sortes ? Que tu retournes au combat ? Au fond de toi tu savais que c’était impossible, mais bon, l’espoir fait vivre, comme on dit. Et puis le sport occupe l’esprit, à défaut de ruminer sur ta condition pathétique. Le surveillant qui s’impatiente, qui tambourine à nouveau contre la porte. « J’arrive, que tu grognes, clairement pas d’humeur. » La trappe qui s’ouvre quand tu arrives au niveau de la porte. Docile, tu tends la main ouverte, récupérant le petit gobelet comprenant les pilules magiques. Celles qui te permettent d’être moins agressive, de te canaliser. De t’anesthésier, surtout. Au début tu t’es rebellée. T’as refusé tout ça. Et puis on t’a attaché, on t’a tout administré de force. Et t’as très vite compris que lutter ne servirait à rien, si ce n’est rendre les choses encore plus difficiles. Alors t’as baissé les bras, Ava. Et en plus de n’être plus que l’ombre de toi-même, tu frôles avec le côté épave qui a depuis longtemps touché depuis longtemps. T’avales les comprimés d’une traite, sans broncher, puis vides le gobelet remplis d’eau que le surveillant te tend. Te penchant vers la vitre, tu ouvres grand la bouche et tires la langue. Vraisemblablement satisfait que tu ais bien tout avalé, le surveillant referme la trappe et continue jusqu’au patient suivant.

La mission accomplie, tu retournes donc en trainant des pieds jusqu’au pan d’un des murs, reprenant tes étirements là où ils en étaient. Les minutes passent, peut-être même les heures, à force t’as perdu le fil, surtout quand les médicaments commencent à faire effet et qu’ils t’assomment. T’es concentrée à terminer ta série d’abdominaux quand soudain tu vois une porte apparaitre. T’as à peine le temps de froncer les sourcils et de te demander ce qu’elle fout là que soudain t’es happée par une soudaine aspiration. T’as même pas eu le temps de crier. À peine de cligner les yeux. La chute ne dure qu’une fraction de secondes. Féline et agile, tu retombes sur tes pattes à l’approche du sol. De la terre. Tu la fixes pendant plusieurs secondes, confuse. Non mais c’est quoi ce bordel ?. Qu’est-ce qu’ils ont changé dans ton traitement pour te faire planer comme ça ? Même quand tu te défonçais avec l’héroïne t’en étais jamais arrivée à ce stade. Le palpitant s’accélérant, tu te redresses, sur tes gardes. T’es dans une jungle. En pleine nuit. Une putain de jungle. Comment c’est possible ? Est-ce que tu t’es endormie et que tu rêves ? Tu te pinces une fois, deux fois. La douleur te fait grimacer, visiblement c’est pas ça. Bon… « Est-ce qu’il y a quelqu’un ? » Un murmure pour commencer tandis que tu te fais quelques pas à droite et à gauche. Que t’observes ta position. Personne ne te répond. « Dr Harris ? C’est vous qui êtes à l’origine de tout ça ? » De nouveau le silence qui te répond, parsemé de ci de là par des bruits d’oiseaux ou des craquements de branches. « C’est un test, c’est ça ?? La voix qui s’intensifie. Qui se mue en cris. HARRIS SORTEZ-MOI DE LA BORDEL ! J’SUIS PAS UN DE VOS PUTAINS DE COBAYES ! Ton regard qui accroche les arbres, qui cherche une caméra. Parce que si c’est un test, il doit y en avoir plusieurs, non ? HARRIS !! » Et tu continues à vociférer, encore et encore, avançant dans ce territoire complètement inconnu et délirant. Tout le personnel y passe, ponctué de si de là par quelques injures et rappelles quant à tes droits en tant que citoyenne américaine.

— Making it home
04.11.2019 ou jour 589, ft. @Louve

T’étais à plusieurs heures de la Cité quand le soleil avait commencé sa descente, en reconnaissance en planification des prochaines excursions de Luz et des autres cartographes qui voulaient pousser leurs recherches plus loin, dans la jungle. Dans cette partie de l’île plus impitoyable encore que cette forêt où vous aviez élu domicile. T’as grimpé dans un arbre avec l’agilité des grands fauves qui errent souvent dans les environs, parce que c’est l’un des endroits les plus sécuritaires dans les alentours, le seul endroit où tu te permettras de fermer les yeux pour t’assoupir durant quelques heures. L’air ambiant se fait chaud et humide, mais ça ne t’empêche plus de dormir. La clim était toujours défectueuse à l’époque où tu étais incarcéré en Louisiane, et elle est carrément inexistante sur cette île maudite où tu vis depuis plus d’un an. Ainsi, tu t’étais endormi, la joue contre l’écorce d’un grand arbre dont tu avais enfourché une branche, perdu dans tes songes depuis plusieurs heures quand une voix t’avait fait sursauter. Pas un murmure comme ceux que Nil laissait filtrer entre l’ample feuillage de la sylve histoire de te tourmenter. Une voix. Celle d’une femme qui criait. Si tu ne parvenais pas à distinguer le florilège de paroles qui affluait de ses lèvres, tu sentais sa détresse jusque dans tes os. La peur attire Nil. Les cris attirent les bêtes sauvages. Et seul le feu éloigne les bêtes. Et du feu, t’en as pas ce soir.

Tu sautes au sol, campant tes deux pieds bien fermement dans la terre pour reprendre ton équilibre avant de te mettre en mouvement pour trouver l’origine de ces hurlements. Heureusement que tu t’es pas trop enfoncé dans la jungle. Dans le noir, tu risquais de t’y perdre, mais tu entends encore le son des vagues, ce qui suffit à te rassurer quant au fait que tu ne t’éloignes pas trop du fil rouge que tu as imaginé. Tu ne tardes pas à l’apercevoir, debout dans les fourrés, tournant la tête dans tous les sens. C’est souvent comme ça. Après tout, qui ne flippe pas comme un cinglé quant il passe d’une ruelle bétonnée à une putain de forêt ? T’es silencieux et rapide, franchissant la distance qui vous sépare pour plaquer ta main sur sa bouche, serrant ton autre bras autour d’elle pour l’empêcher de prendre ses jambes à son cou. « Je te conseille de fermer ta gueule si tu veux pas crever ici. » Pas les paroles les plus sympathiques, mais t’as pas le temps d’être gentil. Pas ici.

Les minutes s’égrainent. Peut-être même qu’elles se transforment en heures, qui sait. T’es complètement perdue et en pleine nuit t’as du mal à te repérer. Probablement que tu tournes en rond, car tu n’en vois pas le bout, de cette jungle épaisse et suffocante. T’as très vite attrapé un morceau de branche, pour t’en servir d’une arme, car on n’est jamais trop prudent. Mais jusqu’à présent, mise à part les bruits d’une nature environnante, t’as fait chou blanc. Qu’est-c’que c’est que c’bordel ? que tu te répètes, encore et encore, cherchant tant bien que mal à trouver une explication logique à ce que t’es en train de vivre. Forcément, y’a le côté expérience scientifique qui prend le dessus sur le reste. D’une manière ou d’une autre, le Docteur Harris a trouvé un moyen de te plonger dans une sorte de réalité virtuelle, ou quelque chose dans le style. Mais pourquoi ? Pour tester tes réflexes ? Tes aptitudes à la survie ? T’étais hospitalisée pour troubles comportementaux et addictions diverses, pas pour entrer dans un groupe d’élite de l’armée…

T’es perdue dans tes pensées, alternant entre un calme apparent et des crises de panique quant à l’origine de ta présence en ces lieux. Tu continues de crier, d’appeler à l’aide, car après tout c’est la seule chose que tu puisses faire. À force t’en as la gorge qui s’éraille et le gosier sec. Tu boirais bien un peu d’eau, si t’avais ne serait-ce qu’une bouteille ou un court d’eau à proximité. Mais rien… Faut dire que l’obscurité n’aide clairement pas. Les bruits de pas dans ton dos, au final, tu ne les entends pas. Un comble pour un ancien soldat qui te fera, plus tard, te mordre les joues. Comme quoi t’as beau tenter de te garder en forme, t’es pas non plus à ton top niveau. L’ombre qui se détache dans la nuit s’approche, jusqu’à t’immobiliser en passant derrière toi. Un bras autour de ton corps, une de ses mains sur ta bouche, et le voilà qui murmure que maintenant tu dois la fermer et rester sage. Ça c’était sans compter l’effet de surprise qui clairement ne te laisse pas de marbre. En deux temps trois mouvements te voilà qui projette un de tes coudes en arrière pour s’écraser dans l’abdomen de l’assaillant (car c’est forcément un assaillant, non ??) ; tu profites de sa stupeur pour te dégager à la manière d’un serpent qui s’entortille dans tous les sens et par te retourner pour lui faire face. Un coup de pied par ci, une balayette par là, et tu le déséquilibres pour le faire tomber au sol. Le bâton à quelques millimètres de son visage, tu te penches pour mieux l’analyser. « Mais putain, t’es qui toi ? La voix s’est faite plus faible, plus chuchotée. Car tu n’en oublies pas l’avertissement qu’il t’a donné. Qui est-ce qui t’envoie ? Une pause, bien vite écourtée par une autre question, Et où est-c’que j’suis bordel ? » Ava dans toute sa splendeur, et dans toute sa vulgarité.

— Making it home
04.11.2019 ou jour 589, ft. @Louve

Un coup de coude bien placé dans ton abdomen te coupe le souffle, te pliant en deux et t’arrachant un gémissement sourd. La nouvelle venue se tortille pour se dégager et te fait tomber sur le cul au moyen d’un habile jeu de pieds, te menaçant d’une branche plutôt massive en plantant ses iris dans les tiens. Il faudrait être totalement con pour ne pas comprendre qu’elle n’en est pas à sa première bagarre. Et il faudrait être aveugle pour ne pas deviner d’où elle vient. Ses habits d’un vert très pâle, une teinte s’apparentant à la mente et ornés de petits symboles qui ressemblent à des flocons de neige te rappellent ceux de l’hôpital où tu allais visiter ta grand-mère à l’époque. Le bracelet qui ceint son poignet efface tous les doutes qui auraient pu persister, mais tu n’essaies pas de lire ce qui y est inscrit. Elle chuchote, te laissant entrevoir un peu de cette folie qui tourmente son esprit, cet esprit brut et sauvage qui te rappelle le tien. T’es à la pointe de son arme, à sa merci, et tu ne peux pas t’empêcher de voir à quel point vous vous ressemblez. Tu laisses échapper un petit rire, te laissant choir sur le sol comme un gamin.

« Rétracte tes griffes, la louve. C’est pas de moi qu’il faut avoir peur. C’est de tout le reste. Tu te redresses légèrement. Calme-toi, respire. T’es pas folle. Ou peut-être que si, mais ça c’était une autre histoire. Tu rêves pas. T’es bien vivante. Même si c’est un débat assez persistant entre nous tous, mais bon. T’adoptes un ton détaché, Wolf. Parce que ça fonctionne avec la plupart de ceux que tu retrouves. Parce que ton calme apparent et ta nonchalance sont rassurants pour certains. Lâche ton bâton et je t’expliquerai tout. »

Y’a ce petit rire qui te déstabilise. Qui te donne envie de lui enfoncer le bâton que tu tiens entre tes mains en plein entre ses deux dents de devant. Qu’est-ce qu’il y a de drôle dans tout ce merdier, au juste ? Tu plisses le regard, l’incendiant avec tes opales effervescentes. Il se croit drôle, le débile ? Ou bien il se moque de toi, peut-être ? T’as loupé quel épisode, au juste ? Jusqu’à preuve du contraire, tu l’as pas eu, le petit poste explicatif en début de session qui résume la mission, ses tenants et ses aboutissants. Donc ça serait bien qu’il éclaire ta lanterne. Et les explications qu’il te donne, au final, te laissent dans le flou. Pas à avoir peur de lui, mais de tout le reste ? C’est-à-dire ? Est-ce qu’il peut préciser sa pensée ? T’as pas le temps de lui demander qu’il enchaine sur le fait qu’il faut que tu te calmes. « Clairement plus facile à dire qu’à faire, que tu siffles entre tes dents serrées. » Il est drôle, lui. Tu notes le petit clin d’œil à la folie, te dis qu’il a surement dû comprendre d’où tu viens à cause de tes vêtements (à moins, toujours, que tout soit ne soit qu’une mise en scène et que de toute manière il soit déjà au courant de ton passif, mais bref, passons). Au moins il te confirme que tu ne rêves pas et que tu es bien vivante, éliminant ainsi la thèse d’un coma ou d’une mort subite sans que tu ne t’en sois rendue compte. Tu tiques avec le nous tous, signalant qu’ainsi vous n’êtes pas que tous les deux et qu’il y en a d’autres, mais les informations s’enchainent à une telle vitesse qu’une fois encore tu n’as pas le temps de rebondir sur ce point. Au final, il te conseille de lâcher ton bâton en échange de quoi il t’expliquera tout. Une proposition que clairement tu ne peux pas refuser. Pas dans ces conditions. Après un soupire exaspéré tu te redresses donc, presque à contrecœur, et enlèves ton arme de fortune de son visage. De là à la lâcher, par contre, vous n’en êtes pas encore là. Mais au moins n’est-elle plus une menace pour son joli minois. Pour le moment, en tout cas. « Je t’écoute, et ne lésine pas sur les détails. » Tu pourrais le bombarder de questions, comme lui demander où vous êtes, pourquoi est-ce que t’es ici, comment ça se fait que t’es passée d’une chambre d’hôpital psychiatrique à une jungle luxuriante, qui sont les autres dont il parle ou encore quels peuvent bien être les dangers qui vous entourent… Mais au final ta réplique englobe tout ça. C’est simple et efficace. Croisant les bras au niveau de ta poitrine, tu continues de le fixer, attendant avec une certaine impatience qu’il vide son sac.

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04.11.2019 ou jour 589, ft. @Louve

Elle semble se calmer. En tous cas, elle a baissé son arme de fortune, ce qui satisfait la demande que tu lui as faite. Tu te hisses sur tes pieds, scrutant les traits de son visage dans la pénombre brisée par l’iridescente lueur de l’astre nocturne. La peau est mate, probablement café au lait. La chevelure est longue, habilement retenue sous forme de dizaines de tresses presque noires. Les prunelles sont si sombres que tu n’en distingues pas les iris dans la pénombre de la nuit. Une mâchoire volontaire, des lèvres pleines presque pulpeuses… une beauté comme on en voit peu, autant sur Nil que là d’où tu viens. Tu secoues la tête, te houspillant intérieurement en te disant qu’elle doit te trouver con de rester planté là comme un palmier. « Pas ici, la louve, tu lui dis. La jungle est dangereuse. Un terrain plus dégagé serait préférable. On est pas très loin de la plage. La baie noire en l’occurrence. Tu peux passer derrière moi, si tu préfères. » Parce que t’es habitué aux gens méfiants, Wolf. T’étais méfiant quand t’as croisé quelqu’un pour la première fois.

Tu ouvres la marche vers l’ouest, valsant lentement entre les arbres centenaires de la jungle, humant l’air de temps en temps pour sentir la brise saline effleurer ton visage. La baie noire finit par s’étaler sous ton regard. « Tu veux que j’allume un feu ? » Parce qu’il fait plus frais sur le bord de l’océan, la nuit. T’attends pas sa réponse pour commencer à monologuer. « Ce que je vais te raconter te paraîtra étrange, probablement même complètement taré, mais bon… j’y peux rien, je fais que te dire c’que j’sais. Tu scrutes son visage avant de te lancer dans ton discours habituel, celui que tu répètes presque chaque fois que tu retrouves quelqu’un, à quelques mots près. T’as sûrement ressenti une espèce de chaleur qui t’as fait perdre conscience pour tu sais pas combien de temps avant de te réveiller ici. Je l’sais, parce que c’est comme ça pour tout l’monde. Ici, c’est l’île de Nil. J’sais pas trop qui a décidé de l’appeler comme ça, mais c’est comme ça que tout l’monde l’appelle. Parce que non, t’inquiète pas, on est pas seuls au monde. On est même assez nombreux. Tu ne peux pas t’enfuir de l’île en bâtissant un radeau. Tu ne verras jamais de bateau passer au loin ou d’avion dans le ciel. Tu ne trouveras pas de radio ou de téléphone pour te permettre de communiquer avec qui que ce soit. T’es comme nous. T’es prisonnière de l’île. Ton seul espoir de t’échapper, c’est en attrapant une porte, un genre de mirage ondoyant qui flotte dans l’air quelques instants à midi. Les portes, elles sont jamais au même endroit, mais elles apparaissent toujours à midi. Ça va jusqu’à maintenant, tu me suis ? » Tu sais toi, Wolf, que ça en fait beaucoup à gober.

Y’a un silence qui s’installe. Un silence gênant. Où il perd plusieurs secondes à te regarder. À t’analyser. Comme si vous aviez le temps pour ça. Mais bref. Qu’il observe ce qu’il veut, tant qu’à la fin il t’explique tous les tenants et les aboutissants de cette histoire. Il finit par reprendre contenance tandis qu’à ton tour tu le fixes, ne cachant pas ton impatience. Et forcément, tu peux pas t’empêcher de soupirer face à sa première explication qui n’en est pas vraiment une. Pas ici. Il t’invite à passer en second, chose que tu lui accordes avec plaisir. D’un geste agacé, tu écartes tes bras en guise de révérence pour l’inviter à passer devant. T’es pas assez idiote pour prendre les devants. Déjà parce que ça induirait le fait de lui tourner le dos, et en plus parce que, tout simplement, tu ne connais pas le chemin vers cet endroit dégagé qu’il décrit. Alors tu le suis, ton bâton toujours entre les mains et prêt à frapper s’il tente une entourloupe.

Au final vous débouchez sur une plage de sable noir. Avec la mer et le reflet de la Lune, le lieu pourrait être sympa. En d’autres circonstances, en tout cas. T’as un sourire amusé qui se dessine quand il te propose de faire du feu. « T’en fais pas pour moi Casanova, j’suis pas en sucre. » La fierté qui parle plus qu’autre chose, car c’est vrai qu’il y a une petite brise qui n’est pas des plus agréables, surtout quand on voit avec quelle tenue légère tu es vêtue. Les joies de l’hôpital et du faible budget. Faut dire aussi qu’en Californie le temps est souvent clément et que tu quittes rarement le bâtiment principal pour une ballade… Mais bon, tu te glorifies d’avoir reçu un entrainement militaire. T’as survécu à bien pire que ça, et c’est pas un souffle de vent frais qui va te faire flancher.

Ce qui suit est bien plus important. Alors t’écoutes sans l’interrompre, acceptant sans broncher les informations qu’il te fournit. Une île, Nil. Une porte magique pour y entrer. Pas d’échappatoire si ce n’est toujours cette histoire de porte magique. Une prison, en somme. « Super, j’ai quitté une prison pour une autre, que tu clames avec sarcasme à la fin de son récit, pas choquée le moins du monde par ce qu’il vient de déblatérer. » T’as appris à écouter sans poser de questions. À suivre les ordres sans sourciller. Tu verras plus tard la véridicité de ses propos, quand t’auras toutes les informations en ta possession et donc toutes les cartes en main. « Et donc c’est quoi le projet ? Survivre en espérant passer une de ces portes ? Tu croises de nouveau les bras au niveau de ta poitrine, réfléchissant à haute voix. Je suppose que ce n’est pas quelque chose de facile, sinon l’île serait déserte. » Sauf pour tous ceux qui veulent se dorer la pilule sur une île et commencer une nouvelle vie, mais quelque chose te dit qu’il ne doit pas y en avoir tant que ça. « Vas-y, balance la suite. » Parce qu’il n’a pas tout dit et il reste encore pas mal de zones d’ombres à éclaircir.  

— Making it home
04.11.2019 ou jour 589, ft. @Louve

T’es surpris par son sang froid. La plupart des gens que tu retrouves dans cette forêt passent par toutes les émotions quand tu leur expliques où ils se trouvent et comment ils peuvent s’échapper. Parce que ça existe pas, des portails magiques pour voyager dans l’espace-temps. Elle, ça lui fait ni chaud ni froid. Ou elle se paie ta tête en embarquant dans ton jeu. Habituellement, les nouveaux arrivants flippent. Ils finissent par se calmer et te suivent jusqu’à la Cité remplis de scepticisme, retournant toutes les hypothèses plausibles dans leur crâne durant le périple. Souvent, ils passent plusieurs semaines sur l’île avant de finalement admettre qu’ils ne rêvent pas. Parce qu’une égratignure, ça ne brûle pas comme ça dans un rêve. Parce qu’on ne ressent pas les symptômes du sevrage de la cigarette ou de l’alcool, dans un rêve. Parce qu’ils voient enfin une porte entrante ou sortante de leurs yeux et osent enfin admettre que ceux qu’ils côtoient sont pas totalement à côté de la plaque.

Y a un sourire qui passe sur ton visage alors que tu scrutes les traits de son visage pour essayer de lire en elle. Sauf que t’y arrives pas. « Je dois t’avouer que j’ai pas l’habitude de rencontrer des nouveaux arrivants aussi calmes. En temps normal, j’me fais traiter de fou bon à enfermer. Tu grattes les poils qui ont poussé sur ton menton. M’enfin… passons. T’as compris le principe. Sur l’île, on essaie de survivre dans l’espoir de trouver une porte avant la fin du décompte. À partir de cette nuit, tu as 1461 jours pour attraper une porte et t’enfuir. Ceux qui n’y parviennent pas… ils survivent pas pour raconter leur histoire. »

Dans ton monde d’avant, quatre années, c’était une éternité. Sauf que se faire annoncer qu’il nous reste possiblement seulement 4 ans à vivre, c’est pas rien. Toi, t’avais pas ressenti la fatalité des 1461 jours avant de voir quelqu’un mourir pour la première fois, avant de voir quelqu’un courir de toutes ses forces vers un mirage d’air chaud qui s’était évanoui sans qu’il puisse le passer, avant de voir la joie exulter dans les prunelles de ceux qui accompagnaient un prisonnier de Nil qui avait réussi à passer le portail, avant de voir l’air d’enterrement de ceux qui revenaient bredouilles… Toi, Wolf, t’es au jour 589. Toi, Wolf, il te reste encore 872 jours pour fuir. Même si contrairement à la majorité de ceux que tu côtoies, tu la ressens pas encore, l’urgence de quitter Nil. Non… toi, Wolf, tu préfères prêter tes yeux et tes oreilles à ceux et celles qui chassent les portes… tu préfères les guider dans leur quête pour qu’ils atteignent le paradis. S’ils le méritent.