Coup de soleil

Il s'était éclipsé Seven. Il avait passé une sale nuit. Il y avait ces nuits où on la passait à ressasser le passé. La vie qu'il n'aura plus jamais. Seven, il allait crever sur cette île. Jamais il attraperait de porte. Il pourrirait sur Nil. Il ne reverrait jamais ses potes. Il ne retrouverait jamais sa petite vie de riche. Il ne retournerait jamais au lycée où il était le roi. Il avait beau tenté de se reconstituer le même quotidien à la cité, ça n'était pas la même chose. Parce que contrairement à la fac, il n'était pas au centre de l'attention de tout le monde. Sur Nil, il n'est pas au milieu d'adolescents qui l'admirent en cachette. Sur Nil, il n'est qu'un sale gosse qui sait pas quoi faire de ses mains parce qu'il en a simplement la flemme.
Alors, à force de penser encore et encore, puisqu'il ne foutait jamais rien, il avait décidé de pas en foutre une ce jour-là non plus. Il s'était éclipsé dans sa hutte. Il n'y avait personne. Et s'était assoupi.

Il entendit Luz gueuler par-delà le mur de la hutte. Il en tomba du lit. Seven n'a pas compris un traître mot de ce qu'elle disait, mais ça avait suffi à le remettre d'aplomb. Si elle venait à se rendre compte qu'il s'était tapé sa meilleure sieste à l'ombre, elle l'étriperait.
Il se frotta les yeux, se débarrassant de cet air endormi, passa ses mains dans ses cheveux pour redonner du volume. Et il sortit. Le soleil l'éblouit de plein fouet. Il tituba à travers le campement, traînant ses pieds dans le sable. Il fit un tour sur lui-même, sa tête commença à tourner. Ah bah ouais, il avait rien avalé depuis la veille. Le ventre vide, se lever précipitamment, être affublé par le soleil de midi, il avait tout pour faire une jolie chute de tension. Seven s'écroula dans le sable et y demeura. Il aurait peut-être préféré tomber dans des sables mouvants. Noyé là-dessous, il aurait peut-être arrêté de faire de la merde.
@lilly

20 aout 2020 - La cité de Nil - Jour 192

Comment serait sa vie si elle n’avait pas passé cette porte, si elle n’avait pas été happée dans un monde inconnu et angoissant ? Serait-elle en plein cours, à discuter problèmes psychologiques courants, serait-elle en train de penser à une relation future ou vivrait-elle une histoire d’amour magique avec ce beau brun ? Et si ce jour là était un jour comme celui qu’elle avait passé, six mois auparavant ? Était-elle en train de dépenser tout le compte en banque de sa famille ? Sa famille. Que pensait-elle de sa disparition ? L’avait-elle oublié, depuis tout ce temps ? Lilly s’était faite une raison, elle se torturait souvent l’esprit avec ses nombreuses questions mais elle avait passé six mois à survivre, six mois à découvrir un autre univers, à ne penser à rien d’autre qu’à ce groupe qui l’avait accueilli, comme une autre famille, travaillant dur pour oublier sa vie d’autrefois et se créer une nouvelle existence. Une famille dont elle recherchait sans cesse l’approbation, l’attention et la reconnaissance, une famille stricte aux règles qui la faisaient frémir matin et soir, allait-elle craquer et tout envoyer valser ?

Ce jour-là elle était, comme à son habitude, accompagnée de Luz. Elles travaillaient dur à l’élaboration d’une cité confortable, d’une maison où se retrouver, où se sentir bien et où être protégés. Une cité particulière qu’elle avait fini par adopter, reconnaissante de leur accueil et de son arrivée parmi eux. Lilly, elle était assez douce et naïve pour suivre le groupe, du moment qu’ils l’acceptaient et la soignait. Elle était trop peu sûre d’elle pour espérer survivre une seconde en dehors des fortifications, alors la cité, c’était son refuge. Elle sursauta en entendant Luz hurler, elle avait l’habitude mais chaque fois ce cri d’alerte lui fichait la trouille. Elle prit un instant la fuite, comme pour se cacher de la colère de la jeune femme, préférant travailler ailleurs, loin de son regard et de sa saute d’humeur bien trop négative. Ce fut le moment où elle aperçut Seven, se faufilant par delà la hutte, les cheveux en bataille, l’air hagard. Elle le suivait du regard et ne put que froncer les sourcils en le découvrant flemmarder au soleil, s’écroulant dans le sable, à l’abri des regards. Elle ne comprenait pas le jeune homme, bien trop flemmard pour elle, bien trop paresseux pour survivre parmi eux.

Elle jeta un œil par-dessus son épaule, tentant de se faufiler elle aussi un peu plus loin encore, retrouvant l’homme pour lequel elle avait craqué, celui qui, malgré ses défauts, lui faisait oublier où elle était, celui sur lequel elle s’était reposé ces derniers mois, créant une histoire assez simple pour elle.  « Ça va, la journée n’est pas trop difficile à supporter ? » Elle croisa les bras sur sa poitrine, le regard accusateur avant de venir s’installer à ses côtés, méritant une pause et cherchant un peu de tendresse, dans cette histoire bien trop bancale.