You don't fool me (Seven)

— You don't fool me
14.08 ou jour 1055, ft. @Seven

Midi approche. Depuis que t’es ici, midi, c’est l’heure fatidique de la journée. Aussi tangible que minuit aux yeux de certains. Chaque fois, tu te surprends à scruter l’air pour voir si tu ne verrais pas une porte apparaître quelque part. Pour ne pas faire la même erreur deux fois. Pour ne pas figer encore une fois devant une porte qui fonce presque vers toi. Pour ne pas manquer ton billet de retour vers la maison. Sauf que Nil sait que t’es prête. Pas comme la dernière fois. Alors elle ne t’enverra pas de porte, cruelle qu’elle est. T’as fait le tour des artisans. Tout le monde est occupé, comme d’habitude. Entre la confection des repas, les réparations qui doivent être faites aux toits des huttes pour qu’ils demeurent étanches, les outils qui doivent être rafistolés et le stock qui doit être renouvelé, les artisans ne manquent jamais d’ouvrage. Les après-midis étaient plus chauds. Les habitants de la Cité en profitaient souvent pour se détendre une fois que toutes leurs tâches étaient accomplies, mais le matin le campement ressemblait toujours à une fourmilière.

Alors que tu vérifies tes propres réserves d’herbes en prévision de la commande que tu passeras aux explorateurs le lendemain matin, tu réalises que t’as pas vu Seven de la matinée. Seven. Juste son nom suffit à faire lever les poils sur ton échine. Parmi toutes les personnes que tu as croisées à la Cité, jamais tu n’en as connu aucune qui t’énerve comme lui. Rouge te tapait sur les nerfs à cause de sa témérité. Wolf te tapait sur les nerfs parce qu’il était bruyant, tape à l’œil et arrogant. Seven, il te rendait complètement folle avec son talent inné pour avoir l’air occupé tout en ne faisant strictement rien pour gagner son ciel. Tu l’avais dans ta ligne de mire. Tu prenais un malin plaisir à le faire chier, à le chercher partout pour lui assigner les tâches les plus chiantes.

Tu traverses les huttes vers la plage, questionnant ceux que tu croises pour savoir s’ils pourraient avoir aperçu le jeune artisan. Seven, c’est le genre de gamin qui se cache toute la matinée pour éviter qu’on lui demande de faire quoi que ce soit et qui revient la bouche en cœur quand les autres viennent s’amuser sur la plage pour se joindre à eux. Tu ne tardes pas à apercevoir sa silhouette sur le rivage. « Seven ? Tu fais quoi, là ? »

Aaaah. Quelle belle journée. C'était ce que pensait Seven en s'étendant sur la plage, sous les palmes d'un généreux cocotier qui offrait un peu d'ombre. Adossé contre le tronc de plusieurs mètres de haut, les mains croisées derrière la tête, il fermait doucement les yeux, se laissant bercer par le chant des vagues à ses pieds.
Les voix du campement lui parvenaient à peine. Le soleil, perçant à travers le feuillage, zébrait son corps qui se détendait. Sur ses jambes se trouvait le filet qu'il était censé réparer. C'était la tâche qu'un artisan lui avait confié ce matin, le voyant errer dans le camp les mains vides. Il avait prétexté s'éloigner pour le faire au calme, et le niais l'avait cru. Il suffisait d'un grand sourire et d'un air naïf pour convaincre tout le monde. Seven, il avait toujours su comment mettre le monde à ses pieds. Et personne ne lui avait appris cela. Il était un autodidacte. A cause de l'absence de ses parents dans sa vie. Aujourd'hui, il ne se rendait même plus compte de ce petit jeu de manipulation. Il était inné. C'était lui.

Une voix le tira de sa rêverie. Il sursauta, se ressaisit. Aussitôt, ses doigts se mirent à travailler le filet sur ses genoux, comme s'il ne s'était jamais arrêté. Il passa même l'une de ses mains dans ses cheveux, comme s'il était aux prises avec le récalcitrant. Il redressa ses yeux marrons vers Luz qui s'approchait dangereusement. Eh merde. Quelle plaie celle-ci. C'était sans doute l'une des têtes de la Cité. Elle tombait pas dans le panneau de son joli minois. Jamais. Il avait beau essayé, elle ne cessait de s'acharner sur lui. De tout le campement, elle était celle qui l'intimidait le plus. Parce qu'elle avait de plus en plus de cartes en main pour le foutre dehors. Et ça, c'était inacceptable à ses yeux.
« Yo Luz ! chantonna-t-il, gardant le filet bien en main. J'essaie d'réparer c'machin. C'est pas gagné. »
Son regard se fit questionnant. Il inclina du chef pour accentuer ce sentiment.
« Et toi ? Tu me cherchais ? »
Il avait l'air innocent d'un petit ange. Il tentait une nouvelle fois sa chance, mais il savait que ça ne marcherait pas avec elle. Tant pis. Peut-être qu'une fois, elle finira par mordre à l'hameçon.

@luz

— You don't fool me
14.08 ou jour 1055, ft. @Seven

Juste sa façon de s’adresser à toi te fait hérisser les poils sur les bras. Il a cette gueule d’ange qui trompe tout le monde. Toi, tu tombes pas dans l’panneau. T’en as vu trop, des mecs comme lui. Putain, t’as vécu avec un mec comme lui ─ qui passe son temps à faire comme s’il faisait quelque chose d’utile alors qu’il passe ses journées les deux doigts dans le nez. Seven, c’est la réincarnation d’Emeric. Et comme Emeric, il a tendance à te faire sortir de tes gonds sans même ouvrir la bouche. Alors quand il l’ouvre, c’est probablement pire.

« J’suis peut-être estropiée, mais j’suis pas aveugle, ni même myope, madre de Dios. Tu prenais une pause ou t’étais allongé sur ton derrière depuis qu’Aspen t’a filé le filet ? » Tu sais que c’est pas la première option. Il a même pas apporté de matériel pour réparer le filet, il fait juste semblant de rabouter le cordage alors que de simples nœuds ne tiendront pas. N’importe quel artisan savait ça, mais Seven avait le don d’être plus nonchalant que tous les habitants de la Cité réunis. Dire que les jeunes filles parmi vous étaient assez naïves pour tomber pour son pseudo-charisme… « T’aurais au moins pu faire l’effort d’aller chercher du matériel dans la baraque pour faire comme si tu réparais vraiment le truc. » Le découragement pointe dans ta voix. Parce que t’es pas complètement insensible, Luz. Tu sais qu’un gars comme Seven tiendrait pas 5 minutes seul dans la nature. Et même si ça te fait chier qu’on lui donne le toit et le couvert alors qu’il est visiblement atteint de flemmingite chronique et qu’il ne daigne pas lever le petit doigt pour gagner son ciel, envoyer un gamin vers une mort certaine n’a jamais fait partie de tes ambitions…

Seven gardait l'air le plus naturel possible. Le souffle iodé caressant ses mèches brunes, ses yeux marrons à l'intensité surprenante observaient Luz debout à quelques pas de lui. Il savait qu'elle ne croirait pas une seconde à ses excuses. Elle n'était pas comme tous les autres. Elle voyait clair dans son jeu. Soit elle était extrêmement intelligente, soit elle avait déjà rencontré un branleur de son genre dans sa vie d'avant, sur Terre.
Elle évoqua le matériel manquant afin de réparer le filet. A ces mots, Seven baissa son regard et constata qu'elle avait bien raison. Ca se voyait que les bouts étaient trop courts ou trop effilés pour être simplement rappondus par un quelconque noeud plat. Il était mal. Fallait l'avouer. Quel genre de mensonge pourrait-il baragouiner pour se sortir de cette mauvaise passe ? Sans compter que Luz n'était pas dupe. Elle serait prête à prendre sa journée pour poursuivre Seven à coup  de coups de pied dans les fesses pour le forcer à maintenir le rythme de ses tâches. Il n'en doutait pas une seule seconde.
« J'allais justement chercher de quoi réparer ça comme un pro, assura-t-il en se levant d'un bond. Il fallait jouer le jeu jusqu'au bout avec Luz. Sinon, il ne la convaincrait jamais. Il ne démentait pas pour autant tout ce qu'elle avait prononcé auparavant. Il ajoutait simplement une légère dose de niaiserie dans sa voix. Tu veux m'accompagner ? »
Son sourire le plus sincère-menteur que possible s'étendit sur ses lèvres.
« Réparer les trucs tout seul dans son coin, c'est pas très fun, ajouta-t-il aussi naïf que le serait un jeune enfant. »
@luz

— You don't fool me
14.08 ou jour 1055, ft. @Seven

Tu le vois bien dans son regard qu’il sait que tu l’as coincé. T’en retires même une toute petite pointe de satisfaction. Il continue pourtant à jouer le jeu. Ça te donne presque envie de rire, Luz. Il est doué pour adopter cet air niais, Seven. Avec sa chevelure bouclée qui couronne sa gueule d’ange et ses grandes prunelles sombres qui crient la candeur. T’aimes ricaner intérieurement en songeant qu’avec une peau aussi pâle et d’aussi jolies mains, le gars a pas foutu grand-chose de son existence avant de se retrouver sur Nil. Les hommes de ton pays, ils trimaient fort pour gagner leur pain. Ils travaillaient à la sueur de leur front pour assurer la survie de leur famille ou alors ils avaient les mains tachées d’éclats vermillon s’ils avaient choisi une voie plus facile, même si tu doutais souvent qu’une ou l’autre soit plus commode. Il te propose de le suivre pendant qu’il va chercher le matériel pour réparer le filet dans la baraque. Comme si tu allais lui dire que t’avais autre chose à faire pour qu’il puisse faire mine de lever son cul et d’aller faire quelque chose de sa peau simplement pour continuer à se faire dorer au soleil dès que t’aurais le dos tourné. Même la Meute et ses hurlements nocturnes ne te rendent pas aussi dingue que Seven. Malgré toutes leurs tares, tous ses membres s’avéraient utiles dans la Cité ou en dehors. Seven ne valait rien. C’était un boulet. Seven ne devrait pas avoir de toit sur la tête. Seven ne devrait pas dévorer les mêmes rations que toi.

« Pourquoi pas ? C’est pas comme si j’avais quelque chose de mieux à faire… Tu hausses les épaules en dépeignant un air aussi nonchalant que le sien sur ton visage à la peau basanée. J’te laisse ouvrir la marche ? » Parce que t’as pas l’intention de le quitter d’une semelle. Pas tant que le truc qu’il tient entre ses sales pattes ne sera pas réparé, comme neuf, prêt à être utilisé par un explorateur. Et alors que tu trottines à sa suite, tu te surprends à lui demander : « Tu as déjà été sélectionné pour partir en Recherche ? » Tu te doutes que la réponse est négative, mais tu attends sa réplique avec beaucoup de curiosité.