amizade tão doce // hirono

Ça fait du bien de revivre. Ma, elle a l'impression d'avoir mit sa vie sur pause pendant presque une année, à resté cloitré chez Shaeryn pour se cacher de tout et de rien à la fois. Trop traumatisée pour oser sortir, même parler. Mais depuis quelques jours elle se sent un peu plus téméraire, voire revigorée. Elle a envie d'aider Shaeryn, de ne plus être un fardeau. Alors elle s'est aventurée dehors. D'abords à quelques pas seulement de la cabane, juste assez pour s'occuper d'étendre les linges sales, ou d'arroser le potager, puis d'en récolter les fruits et légumes. Et puis la plage n'était pas loin, Shaeryn l'y avait déjà menée, au début du mois d'Aout, sa toute première sortie plus loin de la cabane. Alors elle connait la route, et Ma y est retournée quelques fois, seule. Toujours avec la perpétuelle angoisse de se faire attaquer. Elle longe les arbres tout le temps du trajet. La plage n'est pas très loin, mais Ma rallonge le temps de plusieurs longues minutes tellement elle se montre prudente et apeurée, s'arrêtant à chaque bruits pendant un moment, en restant cachée, avant de se demander si il ne serait pas mieux de faire demi-tour et de rentrer en sécurité. Mais non, Ma continue à avancer, la peur lui prenant le ventre, parce que ça en vaut la peine.

« Hirono.. ! » Le nom sort de ses lèvres lorsqu'elle arrive à la plage, toute tremblante. Le trajet entre le cabane et le sable n'est vraiment pas très long d'ordinaire, mais c'est une véritable épreuve pour la jeune fleur qu'est la fragile Ma. Alors, lorsqu'elle voit son amie proche de l'eau, elle soupire de soulagement, et s'approche. Elle a rencontré Hirono plusieurs fois, d'abords intriguée et apeurée, finalement le pêcheuse a réussi à apprivoiser Ma, et depuis elles sont devenues des amies. Ça fait un bien fou à Ma, de se sentir importante. Une année à ne côtoyer que Shaeryn, et même si Ma aime plus que tout sa protectrice, le fait de se sentir proche avec une autre personne, ça la rend vivante, Ma.

Lorsqu'elle est suffisamment proche d'Hirono, un faible sourire se dessine sur le visage de la Portugaise. Ma est pleine de feuilles et de poussières, elle s'est cachée plusieurs fois en venant ici, pour s'abriter d'un bruit d'animal, ou juste d'un chant d'oiseau trop soudain. Doucement elle s'assoie auprès de celle qu'elle considère comme une sirène, et soupire d'être enfin arrivée ici, vivante. « Desculpe... Je faire .. o mais rápido possível. » L'Anglais qui a du mal à sortir d'entre ses lèvres, la communication n'est pas dès plus simples, malheureusement.

Ma, c'est un drôle de secret, pour Hirono. Ça fait à peine quelques semaines depuis leur première rencontre par hasard sur une plage, alors que les aventures marines de Hirono l'avaient emmenée loin du territoire de la Cité. La silhouette de Ma et sa crinière de boucles et ses grands yeux d'animal effrayé, qui avait fui immédiatement après avoir croisé le regard surpris de Hirono apparaissant à la surface de l'eau.
Et puis Ma, une deuxième fois, toujours au même endroit - à croire qu'elles avaient les mêmes idées de visiter les mêmes terrains au même moment. Et une troisième, pour au final que Ma se rende compte que Hirono ne comptait pas se montrer hostile. Ma, c'est un visage inconnu, personne à la Cité n'a jamais prononcé son nom, il n'est pas griffonné sur le mur. Elle sait pas grand chose sur Ma, finalement, entre la timidité silencieuse de l'enfant et leurs maîtrises inégales d'une potentielle langue commune. Mais ça fonctionne. Sans doute parce que ni l'une ni l'autre n'est d'une nature violente ou agressive, parce que Hirono respecte l'espace de Ma et ses secrets aussi.
En cette fin d'après-midi, comme toujours, tous les septs midis, elles se rejoignent au même endroit. Juste pour souffler loin de la Cité, pour Hirono, et contempler l'horizon avec quelqu'un qui n'est pas tiraillée par une quelconque responsabilité. Hirono est assise sur le sable comme d'habitude, et elle attend. Elle est patiente. Elles n'ont pas de montres ni de téléphones pour savoir quelle heure il est, pour ces rendez-vous, elles se fient au soleil, et ce n'est pas une science exacte. Hirono perce des petits trous dans des coquillages sur la plage, avec des petits outils en pierre, en attendant son amie, quand l'agitation des fourrés derrière elle la notifie de la présence de quelqu'un. Hirono se retourne, pour adresser un sourire à Ma et ses longs cheveux qui sortent de la pénombre de la forêt. « マっちゃんおはよう, » elle lance d'une voix claire par réflexe. Pour dire bonjour ou merci, parfois, Hirono, elle s'encombre pas de l'anglais. Ça lui donne l'impression de pas trop se perdre, arrachée à son île et de sa culture. Elle a l'air gênée, Ma, en venant s'asseoir près d'elle en bafouillant quelque chose dans sa langue. « Eh ? » lâche Hirono, confuse, sans vraiment trop chercher. C'est pas très grave. Relier les points n'est pas trop difficile non plus d'associer son intonation et ses gestes à une forme d'excuses. « C'est loin ? Ta maison, » demande Hirono avec son léger sourire, calant une mèche de ses longs cheveux bruns derrière une oreille tout en passant une petite cordelette de fibres dans les trous des coquillages. « Ici dans l'île, pas ta maison dans ton pays, » elle précise quand même, réalisant que sa question un peu bancale pouvait prêter à confusion. Un petit noeud, et sa création du jour en guise de passe-temps est prête. Levant les bras, elle passe le collier autour de la tête de Ma avant de donner une pichenette dans les trois coquillages accrochés à la cordelette. « Tiens. C'est joli comme ça, » elle commente. Ça lui va bien à Ma, elle a l'air d'avoir été quelqu'un qui se parait de jolis atours, avant d'arriver sur Nil.