One side will make you grow taller (Wolf)

20 aout || Une espèce d’insecte non-identifié l’avait piqué pendant la nuit, juste au-dessus du genou gauche, en plein sur la cuisse. Rien de grave a priori, puisqu’il était encore là pour s’en plaindre, mais l’imposante bourolle rouge et gonflée grattait comme un avant-goût des traitements servis au Purgatoire. Il aurait pu essayer de penser à autre chose ou de gratter à côté mais il se connaissait. Les probabilités qu’il craque et se gratte à s’en arracher la peau étaient remarquablement élevées. Or, il préférait s’éviter une infection, faute d’antiseptique et d’antibiotiques à proximité.

Du coup, son petit-déjeuner avalé devant le spectacle des vagues léchant le sable clair, Scout avait embarqué ses deux gourdes vides et son attirail habituel avant de s’enfoncer dans la forêt. Il avait son spot d’eau claire, un endroit plutôt calme où il allait remplir ses noix de coco bricolées, cueillir deux-trois fruits et faire sa toilette de temps en temps. Aujourd’hui cependant, il y allait pour quelque chose d’un peu différent car qui disait eau disait boue. Et la boue était sans doute le meilleur remède contre les démangeaisons à des kilomètres à la ronde. Peut-être que dans l’océan de verdure qu’il fendait en silence on trouvait des plantes tout aussi efficaces. Sa femme aurait su, avec sa passion pour les huiles essentielles et sa manie de refaire tous les produits ménagers pour en glisser à toutes les sauces, mais pas Scout. Et s’il pouvait s’éviter une inflammation ou autre réaction allergique, il n’allait pas s’en priver. Même sa curiosité avait des limites.

Discret et l’oreille tendue, il fit ce qu’il avait à faire avant de reculer entre deux fougères à l’abri des regards pour se caler contre un tronc d’arbre et commencer à se tartiner la cuisse de boue. Il suspendit son geste en entendant remuer non loin de lui. Un frisson remonta le long de son dos et, avec l’impression d’être éveillé que jamais, il se mit à quatre pattes pour glisser un bout de nez prudent hors de sa cachette. Réaction un peu bête quand on y pensait bien mais la peur faisait faire des choses idiotes. Ce n’était pas une des bestioles qu’il valait mieux éviter de croiser mais un être humain, tout comme lui, qui s’apprêtait à faire quelque chose de vraiment pas malin. « J’mangerais pas ça si j’étais toi. » Fit-il, une main suspendue dans le vide comme s’il pouvait l’empêcher d’avaler le bout de champignon cueilli non loin. « Sauf si tu t’sens prêt pour des heures d’hallu… mais j’recommande pas… » Pas là comme ça au milieu des bois.

Résultat du dé:

— One side will make you grow taller
20.08 ou jour 879, ft. @Scout

Tu marches dans la forêt depuis des jours. On t’a choisi pour agir comme Soutien dans une Recherche de portes. T’en avais pas vraiment envie, parce que tu te faisais un point d’honneur de n’accompagner que ceux que tu estimais suffisamment pour juger qu’ils méritent de passer la porte. Ça évitait toute tentation de faire un coup bas. Ça évitait des pertes de temps. Sauf qu’on t’avait pas vraiment laissé le choix. Habituellement, les gens te demandaient ton avis avant de soumettre ton nom au Leader. Habituellement, ceux qui ne te portaient pas dans leur cœur parce qu’ils te trouvaient trop arrogant, trop téméraire et tapageur, ne te nommaient pas pour les accompagner en recherche. Mais voilà qu’il y a deux jours, le Leader t’a annoncé que tu partais avec ce gars, celui qui passait son temps à venir taper dans la porte de ta hutte parce que ta bande et toi faisiez trop de bruit quand il essayait de dormir. Chaque fois, tu lui riais au nez sans même prendre la peine d’ouvrir pour répliquer. Au fond, il était probablement amer de ne pas être invité à la fête, qui sait.

Midi approchait. Vous alliez bientôt vous mettre en mouvement. Toi, t’avais décidé de t’écarter un peu du groupe pour aller te rafraîchir dans l’eau de la rivière. Si une chose te manquait depuis que t’avais débarqué sur Nil, c’est l’eau chaude et le savon en gel qui venaient avec la douche. Même en taule, tu pouvais t’offrir ce luxe. Pas ici. Toi, Wolf, t’aimes pas sentir. L’odeur de sueur qui te colle à la peau après une journée à trotter dans la forêt, elle t’écœure au point que t’as parfois du mal à dormir la nuit si t’as pas pu faire ton brin de toilette avant de t’effondrer sur ta paillasse. En Recherche, c’était toujours compliqué. Vous bougiez beaucoup, marchiez pour couvrir le plus de territoire possible selon les envies de celui qui avait la Priorité. Parfois, c’était presque impossible de trouver une source après la nuit tombée. Et quand le soir tirait ses draps sombres sur la sylve, interdiction de se séparer...

Ce matin, tu ne manquerais pas ta chance. Même si les effets purificateurs de l’eau ne dureraient probablement pas longtemps avec la chaleur qui régnait sur l’île, le soleil qui frappait même entre les feuilles des arbres et le rythme de randonnée assez saccadé qu’imposaient tes compagnons. T’as eu le temps de te baigner à loisir dans l’eau glacée avant d’avoir l’impression que le temps de filait entre les doigts et que tu ferais mieux de te mettre en marche pour retrouver les autres... et puis t’avais réalisé qu’ils auraient probablement emballés tous les vivres pour les faire porter par cette putain de chèvre qu’ils avaient tenu à emmener et que t’avais rien bouffé depuis la veille. Alors tu t’étais mis à fouiller dans les fougères à la recherche d’un truc à te mettre sous la dent. Un truc important à ton sujet, Wolf, c’est que t’as beau être explorateur depuis plus de deux ans, t’as jamais eu assez de mémoire pour te rappeler quels fruits étaient comestibles et quels ne l’étaient pas. T’es pas un cueilleur après tout. Toi, tu ramènes les gens et les animaux à la Cité. T’allais porter ce champignon à tes lèvres quand la voix d’un homme te stoppa net.

« Mais oui, j’savais t’inquiète ! » Parce que t’admettras jamais que t’es une quiche pour ce genre de trucs, Wolf. T’attrapes quelques champignons pour te les fourrer dans les poches. « Je les cueillais pour faire une blague à quelqu’un ! » Ce que tu finirais certainement par faire, d’ailleurs. En les glissant dans un thé que tu te ferais un plaisir de donner à Storm histoire de rire de sa gueule un peu. « J’t’ai déjà vu quelque part, non ? À la Cité, peut-être ? »

Spoiler: