light in the darkness // ROUGE&WOLF

Tu t'étrangles. Étouffes. Suffoques. Tu voudrais crier, cracher le son hors de tes poumons, appeler à l'aide mais rien. Vide. Néant. Ténèbres. Tu gigotes, tourne et retourne sans arriver à ouvrir les yeux. Tu voudrais qu'on te secoue, qu'on t'extirpe de là, qu'on te réveille. Mais y'a personne. Juste toi et tes démons. Ceux qui te poursuivent dans ton rêve. Ceux qu'ont étrangement la tête de tes parents, prêt à te dévorer, t'engloutir dans les profondeurs. Et c'est quand ton beau-père t'attrape et que tu vois sa gueule déformée pleine de dents pointues qui s'approche pour te déchiqueter, que tes yeux s'ouvrent.

Tu te redresses, t'es pleine de sueur, ton coeur bat à un rythme qui fait mal. Tu trembles Rouge, t'as peur comme les enfants. Tu jettes un oeil autour de toi, dans ta hutte ils dorment tous, bien loin de tes cauchemars. Tu restes assises, ramène tes genoux contre ta poitrine et enroule tes bras à tes jambes. T'as les larmes aux yeux parce que t'as la frousse. Parce que t'as du mal à respirer. Les terreurs nocturnes ça te bousille. Et puis, tu réfléchis pas. Tu te lèves d'un bon, te mets à courir, manque d'écraser la tête d'un de tes colocs de hutte avec ton pied. Tu sors, tu te retrouves dehors, t'as l'impression que l'air frais est un poison qui va te tuer. Alors tu cours à en perdre haleine, faisant le moins de bruit possible, jusqu'à la hutte de Wolf. C'est calme, tu sais pas qu'elle heure il est, mais en entrant tu vois sa meute qui dorment tous. Wolf aussi, il pionce. Et t'approches, toujours tremblante, toujours les larmes aux yeux. T'as beau souvent faire la maligne, montrer à qui veut voir que t'es coriace, que t'as jamais peur. Mais t'es une gamine Rouge, un gamine qu'à besoin d'une famille. Besoin de Wolf.

Alors tu te glisses dans ses draps, t'essaie de te faire la plus petite du monde. Tu poses ton front contre lui, contre son torse, et t'essaie de calmer ta respiration. D'écouter le tambour de son coeur pour te calquer au sien. Parce que t'as beau toujours gueuler, t'as beau le traiter de tout les noms, parfois le détester parce qu'il te donne des ordres mais..

Wolf, c'est devenu ton frère.
Wolf, c'est devenu ta famille.
Wolf, c'est devenu ton monde.

— Light in the darkness
02.08 ou jour 861, ft. @Rouge

Tu dors sur une oreille depuis le jour où la porte t’a recraché sur l’île. Ou peut-être que ce qui-vive remonte à ton séjour en taule en vrai, mais tu saurais pas trop le dire. Cam, il est loin maintenant. Comme une ombre aux contours flous avec qui t’aurais partagé ta chambre durant des années avant de passer subitement à autre choix, de voler de tes propres ailes. Tu te rappelles son existence dans l’autre monde de façon trouble, comme si tu pouvais plus démêler les songes des vrais souvenirs. De toutes façons, ça n’a plus d’importance ici. Sur le territoire de Nil, tout ce qui compte c’est maintenant, c’est notre capacité à réagir rapidement face au danger, à le contrer lorsque c’est nécessaire… Et toi Wolf, t’es devenu un expert à ce petit jeu-là.

Tu l’as entendue se glisser dans la hutte. Rouge. Avec sa peau blanche comme le sable de la plage et ses cheveux flamboyants comme le feu qui crépite au centre de la Cité. Même quand t’y vois que dalle dans le noir, tu reconnaîtrais son odeur entre mille. Celle des groseilles qui valse lentement avec les effluves des fleurs d’oranger. Peut-être que tu l’imagines, ce parfum, mais il est bien là entre tes draps, essayant de se faire tout petit. T’aimes pas qu’elle se glisse là comme ça. Parce que les gens sont tordus, tu le sais trop bien. Et même si tu te fous totalement qu’on te prête certains torts, tu refuses qu’on prétende qu’il se passe quelque chose entre Rouge et toi. Tu l’aimes, la gamine. Plus que t’as aimé la plupart des femmes qui ont croisé ton chemin. Tu tuerais pour elle sans hésiter, sans broncher, sans remords. Sauf que cet amour n’a rien de charnel.

Mais là, tout de suite, tu sens bien que quelque chose ne va pas. Parce que même si elle est pas là depuis des lustres, souvent t’as pas besoin de lui parler à Rouge pour savoir ce qui se trame dans sa tête. Tu le sais, point barre. Alors tu ignores les prunelles brillantes qui te transpercent dans la pénombre. Celles de ta louve qui n’aime pas savoir qu’une autre se trouve entre tes draps et qui te le fera sans doute regretter plus tard, aussi platonique cette étreinte puisse-t-elle être. Tu te contentes de passer un bras dans le dos de ta gamine. Pour la ramener plus proche de toi. Pour ne pas laisser ses démons se glisser entre vous. Ta voix est un souffle à peine inaudible. « Tu devrais pas être là… Qu’est-ce qui se passe ? »

Tu sens son bras venir dans ton dos, tu sens qu'il sert, qu'il te colle encore plus contre lui. Tes petites mains sont sur ton torse, ton front aussi. Tu écoutes les battements de son coeur, et c'est comme une berceuse qui chasse les monstres, comme les paroles d'un frère qui te dit que tout va bien, que tu es en sécurité. Toi, tu penses pas à ce que les autres pourraient croire, tu as un esprit encore trop enfantin, malgré tes seize ans, pour voir le mal. Puis Wolf, tu ne le vois pas comme ça, jamais. Il est juste ton monde entier, ton frère d'une autre vie, de celle-ci, la nouvelle. Ta seule et unique famille à lui seul. T'arrives pas à relever ton regard vers lui, tu ne peux pas détacher ton front de son torse, de peur de ne plus entendre les battements, les boum boum boum boum de son coeur qui font échos au tient. « J'ai... » Les mots ont du mal à sortir. Tu es une gamine, une enfant qui se réveille en pleine nuit. Dire à voix haute que tu as fait un cauchemar, l'avouer à Wolf, cet homme si fort avec sa meute, tu te sens ridicule. T'as pas envie qu'il te juge, même s'il est habitué, même si c'est pas la première fois que tu viens te réfugier dans ses draps pour fuir les monstres de tes cauchemars.

Et t'as aussi envie de crier, de le traiter de connard, parce que tu n'aimes pas qu'il te dise que tu ne devrais pas être là. Parce que c'est faux. C'est les autres, toutes les autres personnes qui ne devraient pas être là, parce que c'est ta place à toi, d'être auprès de Wolf. Tu n'aimes vraiment pas les mots qui sont sortis de sa bouche, sous-entendant que ta place n'est pas ici. Mais tu t'imposes, tu prends cette place pour ne jamais la quitter. Wolf, c'est ta famille, et t'as besoin de lui comme tu n'as jamais encore eu besoin de personne. Alors il n'a pas le droit de dire que ta place n'est pas ici. D'ailleurs tu rentres des ongles dans son torse, comme si tu marquais ton territoire. « Tu veux que j'me tire, c'est ça ? » C'est beaucoup plus simple pour toi d'être sur la défensive plutôt que de te confronter à tes peurs. Et tu as beau faire des cauchemars, au final, ta plus grande peur, c'est que Wolf t'abandonne.

— Light in the darkness
02.08 ou jour 861, ft. @Rouge

Elle te dit jamais c’qui s’passe, Rouge. Mais tu sais bien que quelque chose hante ses nuits, parce que ces nuits passées avec ce louveteau accroché à ta chemise, blotti contre ton cœur, ne se font pas rares depuis qu’elle est arrivée à la Cité. Est-ce que Nil vient la tourmenter de ses murmures ? Tu ne crois pas. C’est peu probable. Nil a d’autres chats à fouetter. Elle préfère tirer ceux qui approchent de la fin de leur décompte un peu plus vers la folie plutôt que de faire briller l’urgence d’attraper une porte sous le regard des petits nouveaux. Est-ce que ce sont ses souvenirs qui la rattrapent ? C’est possible. T’as pas b’soin d’un doctorat pour devenir que ta gamine en a vu des vertes et des pas mûres, et pas seulement depuis qu’elle a mis les pieds sur cette île. Est-ce que ce sont de simples cauchemars qui font remonter des peurs enfantines dans son cœur ? Peut-être un mélange des deux options au final… T’insistes pas quand elle élude des questions. Et t’as jamais le courage de la chasser de là.

Elle enfonce ses griffes dans la peau de ton torse, Rouge. Parce qu’elle sait te faire regretter ta connerie. Parce qu’elle est douée pour pousser les gens à vouloir la repousser. Sauf que tu te laisses pas avoir, Wolf. Toi tu la serres plus fort encore. T’enfonces ton nez dans ses cheveux rouges. « Reste. » L’envie de laisser passer une blague stupide. La paillasse est immense, autant en profiter. Sauf que ta gamine, elle a pas l’air d’avoir envie de rigoler. « J’veux pas qu'tu partes... » jamais. Sauf que ça tu peux pas l’dire. Parce que l’idée qu’elle meure ici te révulse. Tu refuses de l’accepter. Pourtant, il t’arrive d’avoir envie d’attraper une porte. Pour elle. Parce que tu ne peux pas te résoudre à l'idée de l’abandonner. Jamais.

T'as les larmes qui viennent percer tes yeux, ça pique et tu voudrais frotter mais t'oses pas bouger. Y'a que tes ongles que tu retires sur torse de Wolf, laissant les marques rouges pendant quelques minutes surement. Y'a beaucoup de chose qui se passe dans ton esprit et dans ton coeur. T'as peur de tout, d'un rien, l'idée même d'avoir peur te terrifie. Tu sais pas pourquoi, tu pourrais pas vraiment l'expliquer, mais t'aimerais grandir, ne plus avoir besoin de venir te réfugier dans les draps de ton protecteur, ne plus avoir besoin de sentir la présence du loup qui doit protéger le petit chaperon rouge.

Tu relèves doucement tes yeux, ton visage bouffi de larmes et coloré de rougeurs irritantes. Il fait sombre, il fait noir, mais tu vois les iris de Wolf, celles d'un prédateur pourtant docile avec toi, parfois, en ce moment. T'oublies pas que vous passez la plupart de votre temps à vous envoyer chier, parce que tu sais qu'il te teste, qu'il fait en sorte que tu sois forte, que tu puisses te débrouiller toute seule pour survivre, car il veut pas te perdre, tu le sais. Pourtant tu doutes à chaque instant de la véracité de ses mots, de ses gestes, de ses actes. T'aimes pas quand il s'occupe de sa meute plutôt que de toi. T'aimes pas qu'il passe du temps avec Louve parce qu'elle cherche à te le voler. Si tu pouvais tu lui foutrais une laisse à Wolf et le mettrais dans une niche prêt de ton lit. « J'peux dormir ici ce soir ? » Question dont tu connais déjà la réponse, après tout c'est le beau milieu de la nuit, t'es déjà allongée prêt de lui et même s'il refuse tu comptes pas bouger. « Et dit Wolf... » Tu te mords l'intérieur de la joue, tu fronces doucement les sourcils et tu rougies, parce que là, t'as l'impression d'avoir huit ans. « Tu peux me raconter une histoire ? » Ton père le faisait quand il était encore là, avant l'accident. Quand au bout milieu de la nuit tu hurlais de terreur et qu'il venait à ta rescousse, se glissant dans ton lit pour en chasser les monstres, il restait avec toi jusqu'à ce que tu te rendormes, en te racontant une histoire. Et ce soir, t'aimerais retrouver ça, avec Wolf.

Une ombre qui se faufile sous la hutte. Tes muscles qui se raidissent et ton souffle qui se coupe. D’emblée, tu penses à une intrusion. À une attaque. Machinalement, y’a ton corps qui se prépare. Qui se tend. Jusqu’à ce que t’entendes sa voix. Elle, cette gamine. Après la tension vient la colère, entremêlée de contrariété. Forcément, c’est vers lui qu’elle se penche. Dans son lit qu’elle pénètre. Y’a ta mâchoire qui se crispe tandis que tu lances un regard incendiaire dans la direction de Wolf. Une partie de toi espère qu’il la chasse. Qu’il la renvoie dans sa hutte. Parce qu’ici ce n’est pas sa place. Parce qu’elle n’est pas la bienvenue. La déception n’en est donc que plus intense quand il lui murmure qu’elle peut rester. Cette proximité qui s’est créée entre eux depuis qu’elle est arrivée, elle te dépasse. Parce que tu comprends pas ce qu’il peut lui trouver, à cette écervelée. Alors oui, elle est en colère, oui, elle est impulsive et son besoin flagrant d’attention qu’elle masque sous une couche de je-m’en-foutisme suicidaire, ça a peut-être son charme. Parce qu’elle vous ressemble, plus que vous ne voudriez l’admettre. Mais elle est trop imprévisible, trop tête brûlée. À un point où t’es persuadée que c’est elle qui courra à votre perte. Ou en tout cas à sa perte à lui. Et ça, tu ne peux pas l’accepter. Alors tu grognes, en te retournant bruyamment dans ton lit de fortune. Qu’ils comprennent qu’ils ne sont pas seuls. Que tu es là. T’espères que ça fera réagir Wolf. Qu’entre elle et toi il te choisira toi, et que par respect il la fera partir. Mais il n’en est rien. Alors tu bouillonnes, Louve. La goutte d’eau c’est quand la gamine lui susurre de lui raconter une histoire. Non mais dans quel monde elle est ? Quel âge elle a au juste ? Tu trouves ça ridicule. Enfantin. Et t’as pas envie d’assister à ça. Pas une minute de plus. Alors sans crier gare, tu jettes la couverture au bout de ton lit, et tu pivotes pour en sortir. T’attrapes tes chaussures d’une main, ne prenant même pas la peine de les mettre à tes pieds. Pas le temps. « Excusez-moi, que tu clames d’une voix acerbe, Faut que j’aille vomir. » Tu peux pas faire comme si de rien était, tu peux pas prendre cet air détaché. Pas quand il s’agit de Wolf et Rouge. Pas dans ces circonstances. T’en as ta claque de cette gamine et de tous les petits stratagèmes qu’elle emploie pour attirer son attention. Parce que ça marche. La porte de la hutte claque après ton passage. Tant pis si ça réveille aussi les autres. Tu fulmines trop pour que ça ait une quelconque importance.

— Light in the darkness
02.08 ou jour 861, ft. @Rouge

Tu peux pas t’empêcher de pouffer de rire tellement la nervosité vient de grimper d’un coup dans ta poitrine. Depuis l’arrivée de Rouge à la Cité, depuis que tu l’as laissée s’accrocher à toi comme si sa vie en dépendant, depuis que tu t’es pris d’affection pour cette gamine qui te rappelle la seule personne que tu aies aimé inconditionnellement dans ton autre vie, que tu t’es convaincu que tu pourrais te racheter envers ta sœur à travers elle, t’as l’air d’une grenouille dans l’eau chaude. Louve, elle comprend pas pourquoi tu t’es attaché à cette gamine. Donc depuis plus d’un mois, avec Rouge et Louve, t’es comme pris entre deux feux. Les flammes te lèchent les orteils à gauche et à droite, te dévorent lentement. Et toi, comme un con, tu restes planté là, parce que tu peux pas te passer de la chaleur que t’apportent ces deux feux… Louve, elle t’apporte quelque chose que la gamine ne pourra jamais t’apporter. Louve, elle te fait vibrer de l’intérieur, elle te rend complètement fou. Comme Shae t’a rendu fou à une époque. Rouge, c’est devenu ta famille, un lien fort que tu ne retrouveras peut-être jamais avec quiconque. Mais là tout de suite, avec ton impulsive flamme qui vient de se barrer à cause de cette envie de gerber que vous avez fait naître… tu sais que tu vas en baver demain matin. Tu pourras pas éviter la question. C’est pas comme ça que les choses fonctionnent entre Louve et toi.

« C’est sûr que tu peux dormir ici. Et maintenant qu’elle te transperce plus de regard, tu vas sûrement mieux dormir. » Un rire te secoue, faisant grincer la paillasse sous vos deux corps. Tu réfléchis à toute allure pour trouver une histoire qui pourrait lui plaire sans faire trop enfantin pour une adolescente. Quand t’étais petit, t’as été dans un foyer d’accueil dont la mère avait une passion bien particulière pour les contes et les légendes. C’était l’une des époques les plus douces dont tu te souviennes. T’avais été anéanti quand tu avais appris que les services sociaux te renvoyaient chez tes parents après avoir passé près d’un an chez la famille Beauffort. « Quel genre d’histoires tu veux entendre, dis ? »