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— Like a leaf in the wind
29.04.2018 ou jour 35, ft. @Mamma

Tu tremblais comme une feuille dans le vent alors que tes pas te ramenaient vers la Cité de Nil, beaucoup trop lentement à ton goût. À peine un mois que tu étais débarqué sur cette île. Bientôt un mois que tu étais débarqué dans la Cité. Et t’avais encore du mal à y croire, à cette histoire de portes et de décompte. Jusqu’à aujourd’hui… Voilà trois jours que vous aviez quitté le campement. Tu avais été choisi pour participer à cette Recherche, à cette chasse aux portes qui était la dernière chance, le dernier espoir de Satine de pouvoir rentrer chez elle. Si on te posait la question, t’aurais du mal à décrire ce que tu avais ressenti les deux premiers jours, à chercher du regard ces portes qui n’existaient pas, à lire la déception et la frustration dans le regard de tes compagnons de marche, à la lire le désespoir à l’état pur que Satine essayait de cacher tant bien que mal. Midi. C’était l’heure fatidique selon eux. L’heure à laquelle ces mirages devaient apparaître. Ou plutôt l’heure à laquelle ils n’apparaissaient pas…

Puis était venu le troisième jour de cette Recherche. Le mille quatre cent soixante et unième jour de Satine sur l’île de Nil. Son dernier midi. Sa dernière chance. L’occasion parfaite pour Nil de la narguer bien comme il faut. Vous aviez choisi de vous diriger vers le champ fleuri. Vous vous étiez placés en éventail dans le champ. Vous aviez guetté le paysage durant ce qui vous avait paru des heures. Puis tu l’avais vue. La Porte. Ça ressemblait à ces miroitements qu’on voit flotter au-dessus du bitume quand la chaleur est insupportable un jour d’été. La comparaison était particulièrement parfaite, parce que comme ces mirages, la porte bougeait. Royce hurlait, l’encourageait à courir de toutes ses forces. Satine avait couru comme si sa vie en dépendait. Puis la porte avait littéralement foncé sur Royce. L’avait englouti. Puis plus rien. Rien à part le cri qui sortait du gosier de Mirena alors que le corps de Satine s’effondrait dans les fleurs de mille couleurs. Sans vie. Jamais tu ne t’étais retrouvé face à un tel silence. Jamais tu n’avais ressenti une telle torpeur. Ce que tu te répétais n’être qu’une folie collective n’avait rien d’une illusion. Royce était parti. Satine était morte.

Vous veniez de rentrer. Mirena le cœur en miette, toi le cœur qui s’était brusquement arrêté de battre. Et plutôt que de faire comme elle et te diriger vers le Leader pour faire un rapport des événements, tu t’engouffrais dans ta hutte, te glissant sous la couverture en silence, te retournant vers le mur pour que personne ne puisse voir ce vide qui venait de s’installer dans ton corps…

29.04.2018 ou jour 68 | ft. @Wolf

Elle ne quitte pas vraiment la Cité. Pas encore, elle n'est pas prête pour ça. Elle doit encore digérer le fait d'être ici, le fait que ce soit réel. C'est à la fois long et court, soixante-huit jours. Que dalle pour s'habituer aux horreurs de cet endroit et à ses pièges. Et puis, travailler la terre, ça lui occupe l'esprit, ça la détourne de ses pensées, des rumeurs qu'elle entend ici et là. Elle n'est pas prête à voir des gens mourir, pas prête à partir à la recherche des portes. Elle n'est pas prête à se confronter à la réalité de Nil. Elle, elle préfère adresser ses grands sourires à ceux qui lui passent sous le nez, ses mains terreuses s'agitant envers toute personne qui en a besoin. Elle a vite retrouvé cette habitude là; s'oublier pour donner un peu de chaleur à autrui. Dans le fond, ça l'arrange, elle ne pense pas à sa propre situation quand elle pense à celle des autres. C'est une façon comme une autre de faire face à tout ça, de ne pas sombrer. De ne pas montrer ses propres faiblesses, ses propres peurs. Dans le fond, ça a toujours été sa meilleure technique de défense. Elle continue de se cacher derrière l'écoute, l'empathie, le contact. Soixante-huit jours, ça reste suffisant pour être repérée par certains visages, ceux qui viennent chercher quelques minutes de conversations. Si elle peut leur offrir ça, au moins, ça lui va.

Elle entend bien les rumeurs qui se propagent alors qu'elle prend le temps de finir ce qu'elle a à faire. Satine n'a pas réussi à attraper sa porte, Nil lui a fait un mauvais coup, un coup de pute, et ça lui glace le sang. Elle sait ce que ça veut dire. Et elle sait qu'il était présent, lui qui est ici depuis encore moins longtemps qu'elle. Elle ne sait pas comment elle aurait réagit en assistant à ça. Alors quand elle rentre dans la hutte qu'elle partage avec Wolf, elle le fait discrètement, ne dérange pas la masse allongée sous la couverture. Elle lui jette juste un regard, un peu inquiet. Si elle avait pu, elle lui aurait proposé une clope et un café, mais les moyens ici sont un peu limités. Tout ce qu'elle peut lui proposer, c'est un verre d'eau qu'elle rempli minutieusement et qu'elle vient poser près de lui, sans un mot; juste le bruit d'un truc qui se pose sur une surface, et ses pas qui s'éloignent de lui pour finalement aller se poser plus loin. D'expérience, elle sait que ça ne sert à rien de forcer la conversation. Que des fois, une présence silencieuse vaut mille fois mieux qu'une tentative grotesque de prise de contact avec quelqu'un qui n'est pas en état émotionnel de communiquer. Alors elle s'allonge, simplement, s'étire aussi, fait un peu de bruit pour marquer qu'elle est là, tourne légèrement le regard vers Wolf pour qu'il sente qu'elle n'aurait rien contre le fait de discuter. Son naturel la pousse à avoir envie de lancer une conversation, n'importe quoi, un truc con même. N'importe quoi pour le sortir de cet état qu'elle ressent jusque là.

Mais elle n'est pas magicienne, elle ne peut pas forcer les gens à aller mieux malgré toute sa bonne volonté, et tous les mots du monde ne pourraient rien y changer. Elle ne peut pas non plus forcer les gens à parler s'ils n'en ont pas envie. Elle peut juste être là, attendre, espérer qu'il saisisse la perche silencieuse qu'elle lui tend simplement en étant à seulement quelques mètres de lui.

— Like a leaf in the wind
29.04.2018 ou jour 35, ft. @Mamma

Tu l’as entendue entrer, mais tu la chasseras pas, parce qu’elle est chez elle aussi. Elle porte bien son surnom, Mamma. Elle est aussi paumée que toi, presque aussi fraîchement débarquée que toi, et elle est déjà là à veiller sur les autres. Tu entends le verre de bois rempli d’eau se déposer sur la petite table de fortune se trouvant près de ta paillasse. T’as envie de te retourner pour l’attraper, pour boire un peu du précieux liquide, mais tu veux pas qu’elle voie ton visage. Parce que depuis que t’es là, tu t’es efforcé de garder cet air arrogant, de rester impassible face à toutes ces révélations sombres qu’on t’a faites, face à cette ombre menaçante de mort qui flotte au-dessus de tous les otages de cette île. Tu y croyais moyen à tout ce qu’on te racontait. T’étais sceptique.

Tous les jours, tu te répètes la même chose. Les portes invisibles, ça n’existe pas. L’île de Nil, ça n’existe pas. Sur aucune carte. Les îles coupées du monde, ça n’existe pas. Pas dans la vraie vie. La seule explication plausible que t’avais trouvée ─ et t’étais plus que sceptique considérant que t’avais jamais fait partie de la masse de croyants ─, c’est que t’étais mort sur le bord de la route et cette île, c’était le Purgatoire. Et ces portes, c’était la seule façon d’atteindre le paradis. Et toi, Wolf, tu ne mérites pas d’aller au paradis.

« Satine est morte, Ma’. » Ta voix est enrouée. Satine, elle ne méritait pas de crever. T’avais pas eu le temps de faire sa connaissance comme tu l’aurais voulu, mais de ce que tu en avais vu, la jeune femme avait le cœur sur la main. Elle était toujours en train d’aider ou de rassurer quelqu’un. Chaque fois qu’il avait entendu quelqu’un parler d’elle, ce n’était jamais pour dire des méchancetés. Quoi qu’elle ait pu faire sur Terre, Satine avait gagné son ciel par toutes les bonnes actions qu’elle avait posé sur l’île. « Nil… elle a renvoyé Royce. La porte… quand la porte a disparu, c’est comme si le fil qui la tenait debout avait subitement lâché. Elle est juste… morte. » Tu serres les lèvres, envahi par une colère qui te submerge avec vivacité. Tu te redresses subitement, te retournant vers elle, les yeux légèrement luisants. « Comment est-ce que c’est même possible ? »