J'ai le droit d'exiger l'obéissance parce que mes ordres sont raisonnables · ft. Lilly

· J'ai le droit d'exiger l'obéissance parce que mes ordres sont raisonnables ·
Le 31 août 2020 · ft. @Lilly — J#10

Il n'y a pas une minute de calme, dans cette Cité. Et le Leader, évidemment, est impossible à croiser au détour d'une hutte. J'étais en train de faire rouler mes yeux jusque derrière mes orbites, décidée à aller me reposer un peu, quand j'ai vu cette fille blonde passer au-delà du feu. Elle allait vers la plage, et même si on n'avait pas vraiment encore fait connaissance, elle avait ce petit air... Entre niais, naïf et beaucoup trop adorable pour être vrai. La cible idéale pour me faire une fausse-copine qui me dira tout de cette ville, de ces habitudes... Par-faite. Je commence à la suivre, sans un bruit, frôlant de près les arbres qui bordent la plage pour voir ce qu'elle fait. Petit ange qui dérive le long du sable, se perd un peu elle-même... Est-ce qu'elle cherche quelque chose, a envie d'être seule ? Oh, qu'est-ce que j'en ai à faire de toute façon !

« Hey ! Heeey ! ». On est assez éloignée de la Cité maintenant, alors je l'interpelle en lui courant après, dans un sourire des plus faux. Oh. Mince, j'ai absolument pas réfléchi à une excuse. Pourquoi je la suis... Pourquoi je la suis... Pourquoi. « Je... Euhm. » puis je marque une pause, la regardant de haut en bas, cherchant des yeux la raison pour laquelle je me serais mise à suivre cette pauvre fille sortie de nulle part. « Désolée, je viens juste d'arriver dans la Cité, alors... Je crois que je cherchais juste quelqu'un qui pourrait un peu m'aider, et tu avais de jolies chaussures, et... Ow, mais si tu viens ici, tu préfères peut-être être seule. Arh, je suis bête, vraiment, j'y ai même pas réfléchi... ». Puis tandis que mes sourcils s'arquent de manière compatissante et coupable, ma main vient s'apposer délicatement contre mon cœur, comme si son bien-être était ma priorité.  

Avec tout ça, le compliment sur ses horribles chaussures et mon incroyable sensibilité quant à son confort, elle ne pourra que me demander de rester pour discuter avec elle. J'en suis plus que certaine.

31 aout 2020 - Jour 203

Un peu plus de deux-cents jours de vie ici, sur cette île et le besoin de se reconnecter avec le commencement. La cité est en ébullition, comme toujours, ça court, ça cri, ça ordonne et puis ce besoin d’être seule qui se fait ressentir. En catimini, Lilly se faufile en dehors de la cité et arrive très rapidement sur la plage, son endroit préféré. Si elle n’avait pas été aussi gourde, elle aurait très certainement pu vivre ici éternellement. Mais elle n’est pas douée pour chasser, ni pour pêcher, ni pour quoi que ce soit utile à sa survie. Lilly, elle a appris à coudre des toiles, à mélanger les herbes pour soigner et est utile au quotidien de cette manière, apportant du confort à toute une population. Sur la plage, plus aucun autre son que le bruit des vagues arrive aux oreilles de la jeune fille, elle marche le long de l’eau, fermant parfois les yeux à la recherche d’une bouée de réconfort. Une solitude de courte durée.

Elle l’entend crier au loin, elle l’entend l’alpaguer et Lilly fini par s’arrêter. Elle se retourne pour faire face à la petite nouvelle. Elle a un nom qui lui plait, ce genre de fille très certainement propre sur elle, le genre de fille qui était son ami avant. Avant tout ça. Elle en vient à lui parler de ses chaussures, Lilly fronce les sourcils en baissant le regard, elles sont toutes poisseuses, de six mois loin de la civilisation, si seulement elle pouvait tout oublier pour un peu de shopping. Elle finit par sourire à l’inconnue qui semblait ne pas savoir comment lui parler. « Non c’est bon, tu peux rester ici aussi si tu veux » Elle tendit le bras comme pour lui serrer la main, se présentant simplement « Je suis Lilly, si tu veux de l’aide pour quoique ce soit … » La cité, elle en avait fait sa force Lilly, elle aimait donner un coup de main, elle aimait la reconnaissance qu’on lui donnait, elle se sentait chez elle. « J’aime bien parfois venir ici, quand j’ai besoin de m’évader, à la cité, on est souvent les uns sur les autres ». Elle parlait à la jeune fille comme si elle la connaissait depuis toujours, elle était amicale, elle était beaucoup trop naïve Lilly, elle aimait beaucoup les nouvelles têtes, surtout quand elles avaient un joli minois comme Lolita.

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Le 31 août 2020 · ft. @Lilly — J#10

Lilly. Même jusqu'à son prénom, cette fille respire l'innocence. Enfant crédule et candide qui n'a pas encore suffisamment vu que le monde était pourri de l'intérieur, sûrement. Presque chanceuse, aussi. Je ne manque en tout cas pas l'occasion de lui lancer un sourire des plus ingénus et de saisir cette main tendue, non pas pour la serrer en guise d'accueil normalisé mais bien pour la tenir des deux miennes comme on le fait avec une amie. Car c'est ce qu'elle doit penser être en train de devenir, mon amie. « Oh c'est adorable, je te remercie ! Tu peux m'appeler Lolita », puis je lâche sa main si blanche pour aller passer mes doigts dans mes cheveux, portés par la petite brise légère qui souffle sur la plage. Je crois que je ne peux pas vraiment m'empêcher de vouloir remettre mes longues mèches blondes en place quand je me sens dans un cadre idyllique pour une photo. Mieux vaut ne pas perdre ses vieilles habitudes, pour quand on retournera chez nous !

« Oui, t'as raison, un peu de calme et solitude ça fait du bien. On peut continuer de marcher pour s'éloigner encore un peu du feu de camp, si tu veux ! Je lui saisi le coude et passe ma main dans l'ouverture créée pour finir bras dessus bras dessous avant de continuer, Surtout après ce qu'on a tous vécu. C'est quand même... Très difficile, tu sais, être aspiré et jeté ici. Heureusement qu'il y a cette Cité, pas vrai ? ». Je tourne mon regard vers elle, tandis que je la traînais pour avancer doucement, comme quand on faisait des tours du terrain de football avec les copines dans la cour de récréation. « Le Leader doit vraiment être un mec bien... tu le connais toi ? J'ai pas encore pu le rencontrer. C'est lui qui a créé la Cité, tu penses ? ». Enfin je m'arrête dans ma course de questions, réalisant que si je continue de la bombarder elle va prendre peur. Fais pas de connerie Eve, tu dois rester crédible...

« Désolée, je parle beaucoup... Je crois que je suis encore un peu sous adrénaline ! Parlons de toi plutôt, Lilly, tu as un copain à la maison, ou une copine ?! » puis je lui donne ce regard, celui de la BFF curieuse qui aime potiner, me mordant allégrement le bas de la lèvre comme si j'étais surexcitée par le thème abordé. Clairement, il est écrit sur son visage que même si elle n'est pas la fille la plus wild du coin, elle doit avoir une certaine fierté à parler de sa réussite personnelle. Et à nos âges, quoi que plus parlant comme réussite que d'avoir un beau mec ou une belle fille à son bras ?

31 AOUT 2020 - JOUR 203

Lolita, c’est cette boule d’énergie qui donne le tournis, elle bouge, elle gesticule, elle parle à tout vas et Lilly a un peu de mal à la suivre, elle la regarde en silence un instant, elle se présente, elle est belle, elle semble douce et elle ne s’imagine pas une seconde, être tombée sur une personne mauvaise. Lolita, elle vient tout juste d’arriver et elle se revoit quelques mois en arrière, elle se revoit sautillant sur place, riant et papotant, elle se revoit heureuse d’être en vie, ou bien, de cette impression de vie. Elle lui attrape les mains et cette chaleur réchauffe son cœur solitaire, elle sourit, elle est en totale confiance et n’hésites pas à répondre à la jeune femme « Enchantée ! » Elle aurait envie de lui dire que son prénom est tout doux, qu’elle semble adorable et elle aspire la confiance. Elle l’admire presque d’être si gracieuse.

Et elle enchaine de nouveau les paroles, elle parle sans rien dire, elle donne le tournis encore et toujours. Lilly, elle a envie de s’enfuir en courant, de plonger dans la mer et écouter le son des vagues, mais elle est trop polie pour l’envoyer balader. Lolita lui rappelle ces journées entre fille, au centre commercial, elle parle et Lilly écoute, et puis elle finit même par apprécier ce jeu de questions réponses et n’hésites pas à donner des informations à la jeune fille, tout en se promenant, bras dessus, bras dessous, comme si elles se connaissaient depuis des années « Oh oui heureusement que la cité est là ! Je n’aurais jamais survécu sans eux ! Je m’y sens tellement bien tu verras, on s’y fait très vite ! » Lilly, elle devait tout à la cité, elle devait sa vie et aussi le fait de ne pas être tombée cinglée, elle lui devait de belles rencontres, elle lui devait Seven, elle lui devait sa fierté. « Tu es assignée à quelle occupation ? » Lilly, elle avait d’abord cousu pour les autres, elle avait créé des couvertures, elle avait tendu des tentes et puis aujourd’hui, elle concoctait des petits remèdes et donnait un peu d’amour à tout le monde, elle était douce, elle était accueillante et se donnait entièrement pour les autres. Elle parlait sans s’arrêter, venait le moment de nommer le leader. Lilly, elle l’avait aperçu une fois ou deux mais ce n’était pas un type très cocasse, ce qu’elle dévoila à son amie « Je l’ai aperçu oui, quelques fois, il ne se mélange pas trop à nous … » Elle était proche de Luz, la responsable des artisans, mais n’avait jamais osé approcher le leader.

Elle s’excusa de parler un peu trop, ce qui fait rire Lilly, marchant face au vent, celui-ci ébouriffait leurs cheveux, elle les attrapa un moment avant de les laisser de nouveau voler derrière elle, bougeant les mèches rebelles venant s’écraser sur son visage. « Tu as raison, j’étais pareil au début, et puis on se calme un peu, je pense … » Elle devait parler d’elle, Lilly hésita un instant et puis finalement, cela lui plaisait beaucoup « Je n’ai laissé personne là-bas … Enfin je ne sais pas, je n’ai pas eu le temps d’avoir quelqu’un, officiellement » Elle eu un moment de nostalgie. Six mois étaient passés, comment sa famille et ses proches vivaient son absence ? Elle ne le saurait sans doute jamais « Mais ici, je suis avec Seven … » Cela pouvait sonner comme un avertissement, mais finalement, c’était la fierté d’avoir construit quelque chose ici. « Tu verras, on s’entend tous bien ici généralement, la vie à la cité est simple du moment que tu donnes un peu de ta personne ».

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Le 31 août 2020 · ft. @Lilly — J#10

Tout avançait comme prévu. Les sourires en coin, les yeux rieurs, les mèches de cheveux qui volent dans le vent et ondulent d'une façon absolument parfaite. Putain, je pourrais être dans un film tellement cette scène est incroyablement superbe ! Et puis Lilly, urh, elle lâche tout. Tout ce qu'il me faut. Elle me montre cet espèce de reconnaissance aveugle envers la Cité dont on m'a tant parlé, l'affectation des occupations puisque personne ici ne fait ce qu'il veut mais bien ce qu'on lui dit de faire, le Leader solitaire que personne n'a l'air de connaître vraiment... Ca me donne envie de vomir de réaliser à quel point les Maraudeurs ont tout compris, tout cerné, et qu'ici on vit dans le monde des bisounours et des licornes à paillettes. J'aurais envie de la secouer d'un coup sec pour la faire venir au loin avec moi, mais je me retiens et me contente de hocher la tête avec douceur, et murmure « Oh... J'ai pas encore été vraiment assignée, je suis là depuis quelques jours seulement, je ne suis pas très douée tu sais, donc je pense que je donnerais un coup de main aux agriculteurs pour la récolte des... trucs. »

Puis elle continue, parlant de sa vie passée. Pas eu le temps d'avoir quelqu'un... girl. Pas essayé, oui. Elle fait sûrement partie de ces filles trop bien rangées, aux cheveux tirés à quatre épingle et qui dit littéralement Amen à tout à cause de leur belle éducation. Mais maintenant, ici, elle est avec Seven. Ouh. Seven. En voilà un qui, soudainement, attirée par le défi qu'il représente sûrement, me fait vraiiiment de l’œil. Ils ne savent pas vraiment à qui ils ont à faire. Ça pourrait être une idée de le chopper dans un coin, et faire voler ce parfait petit couple en éclat juste avant de quitter la Cité pour les Maraudeurs, en mode mic drop. Rien que d'y penser, ça me fait rire, que je fais passer pour une réaction à tout ce qu'elle me dit « Haha ! Oui, j'ai vraiment hâte de rencontrer tout le monde, et c'est super de voir qu'il y a finalement pas mal de jeunes d'ailleurs. ».

Puis, mon pied butte sur un truc. C'est moelleux, comme si mes orteils s'enfonçaient dans quelque chose. Ma main, elle, se resserre contre le bras de Lilly, je lui fais sûrement même mal à m'agiter et lui tirer malencontreusement les cheveux... Mais je tombe muette, ne vais donc certainement pas m'excuser, et mes yeux sont bien trop concentrés à regarder l'horrible machin sur lequel je viens de marcher, IEW.

Sur quoi Lolita a marché ?:

La cité, c’est sa maison, son repère et son unique raison de rester sur l’île. Lilly, elle y trouve une certaine reconnaissance, comme l’espoir d’un avenir différent. Elle se souvient des derniers instants dans le monde réel, comme si tout ce qu’elle avait vécu avant était un rêve idiot, comme si elle était née ici, comme si elle avait toujours été là. Lilly, elle ne pensait pas à l’avenir, elle savait qu’elle resterait là un moment, avec l’amour à ses côtés, elle s’était créée une vie somme toute parfaite. Jusqu’à ce que la mort ne vienne l’atteindre. Une bulle, une connerie de bulle dans laquelle la jeune femme s’était lovée, certaine qu’il n’existait que travail et bonheur par ici. Et puis, il y avait Lolita. À ses côtés, elle semblait redevenir l’adolescente qu’elle avait laissé, elle lui parlait comme à une amie, comme à la petite nouvelle qu’on accueille au lycée, souhaitant de toute son âme être la première à tout connaitre d’elle et pourquoi pas, s’en faire une alliée. Lilly, elle tentait, la douceur, la jeunesse et le visage angélique de Lolita l’avaient attirée comme une abeille dans du miel, elle lui lâchait tous les mérites de la cité. « Ne te dévalorises pas, on apprend tous ici tu sais, on donne tous un coup de main, ça occupe et ça permet de s’entraider » Elle était sérieuse, elle aimait ce qu’elle faisait, elle avait apprit beaucoup aux côtés de Luz, elle s’était faite une place en suant pour les autres « Tu peux tenter des choses faciles, on a toujours besoin de couturiers à moins que tu ne te sentes l’âme d’une protectrice » Elle sourit, Lolita serait-elle assez forte pour devenir protectrice ?

Ils en venaient à parler plus intimement, ils parlaient d’amour et Lilly se vantait presque d’être en couple avec Seven. Il avait ce quelque chose qui l’avait séduite, il avait ce tempérament nonchalant qui le faisait craquer chaque fois qu’elle l’apercevait, assoupi dans un coin, à chercher tout sauf le travail. Lolita tiqua sur le fait qu’ils étaient nombreux assez jeunes, ce que Lilly ne pouvait expliquer, ne sachant pas vraiment se résoudre à comprendre leur arrivée sur l’île « Oui c’est vrai qu’on est pas mal de jeunes, il faut des bras solides pour travailler » plaisanta-t-elle avant de poursuivre « Tu devrais venir un soir, on se regroupe souvent autour du feu le soir » C’était là une invitation quelconque pour l’aider à s’intégrer.

Elles avançaient toujours sur la plage, le regard souvent fixé au loin, parfois l’une sur l’autre. Lilly adorait cet endroit, il était calme, il était doux et lui permettait de rêver. Soudain, Lilly sentit un bras l’agripper, lui tirant une grimace, elle jeta un regard implorant à sa compagne avant de suivre son regard, fixant son pied.  Lolita venait de marcher sur une espèce de … « Mais c’est quoi ce bordel ??? Mais c’est dégueulasse, mais qu’est-ce que ça fou-là » Lilly, elle devenait hystérique, cachant sa nausée avec de grands cris « Putain je vais gerber c’est dégueulasse et ça pue maintenant que tu l’as remué ! » Lilly, elle était gentille, mais elle s’emportait un peu trop facilement pour des conneries.

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Le 31 août 2020 · ft. @Lilly — J#10

« Gh. Je vais vomir. Oh mon dieu. OH MON DIEU. C'est dégueulasse... AIDE-MOI, Lilly, putaaaain... Eeeeww !! »

Ma vie est fichue. Ma chaussure aussi. Lilly est passée de cette fille parfaite qui commençait à s'ouvrir exactement comme je l'attendais, cette fille que j'aurais pu tordre dans tous les sens, qui commençait à m'inviter à leurs petites soirées au coin du feu... Pour se transformer en furie. Il y a de quoi, clairement. Mais... Une furie est beaucoup plus compliquée à modéliser comme on le souhaite, et rien, absolument rien ne me laissait croire qu'elle pouvait être si impulsive, à la limite de l'hystérie. Alors clairement, ma vie est fichue. Est-ce que j'ai vraiment envie de récolter des infos auprès d'une folle à lier ? Non. Est-ce que j'ai envie de marche pied nus sur cette île de débiles, ou bien avec des chaussures horribles qu'un des habitants m'aurait cousu en se croyant gentil ? Err. Non.

J'avais le pied levé, et je le regardais avec dépit. Mes sandales, mes si jolies sandales, étaient détruites. Et je ne pouvais pas même les enlever, car cela approcherait ma main dangereusement près de... urh. La mer n'est pas si loin, alors je bouche mon nez avec ma main gauche, et je commence à m'avancer à cloche-pied vers l'étendue bleue en espérant profondément que rincer toute cette horreur m'évitera l'amputation du pied, et peut-être même dans un monde idyllique, sauvera ma chaussure.
Dans l'eau, je secoue mon pied et la transparence cristalline de l'océan petit à petit se trouble d'une façon qui me donne à nouveau envie de vomir. Je tourne la tête pour voir Lilly, un peu plus loin, toujours bloquée dans son hystérie et je me dis qu'il faut absolument que je fasse quelque chose pour elle, sinon, elle ne continuera pas à s'ouvrir comme elle le faisait.

Je commence alors à sourire, puis rire, souffler un peu, et continuer de laisser s'échapper un rire de moins en moins maîtrisé, tinté d'un peu d'horreur malgré tout. « Maiiis, pourquoi ça arrive qu'à moiiiii ! Pfff, hahaha, allez, reste pas là bas, sans déconner, aide-moi ! Viens au moins m'aider à tenir debout pendant que je nettoie tout ça, aie un peu de pitié ! ». Je continue d'en rire plutôt que d'en pleurer, car je me dis que si on ne fait pas rapidement de cette situation quelque chose de comique, cela tournerait en ma défaveur.
A près quelques minutes, enfin, je peux approcher mes doigts pour ouvrir la boucle et enlever la chaussure. Je nettoie fort, très fort, mes pieds : je les enfonce dans le sable propre, pour les rincer, deux ou trois fois de suite, à la façon d'un gommage en institut.

Quand à ma chaussure... J'ai beau le nettoyer aussi, frotter avec le sable, l'eau salée attaquera le cuir de toute façon. Je crois qu'il vaut mieux que je fasse mon deuil. Je m'éloigne donc de l'eau, me rapprochant d'un petit coin éloigné - EN FAISANT ATTENTION OU JE METS LES PIEDS - pour m'y asseoir à l'ombre après toutes ces péripéties. « Oh la la, mais quel enfer... Regarde-moi ça, elle est bonne à jeter... J'espère que quelqu'un sur l'île aura une paire de chaussures à m'offrir. Quelque chose qui m'aille... Mes pauvres sandales Dolce Vita, pfff... HAN ! Je sais ! Ça te dirait de leur faire une petite cérémonie, genre enterrement ? Comme ça je pourrais faire mon deuil, hahaha. »

Et me revoilà à l'attaque, cheveux au vent, sourire en coin et œil rieur. Comme si rien n'avait changé, j'ai pu vite retrouver mon masque de petite fille sage pour en tartiner sur mon visage. Mais quand même. Si je retrouve le truc qui s'est lâché ici... il est mort.

31 aout 2020
206 jours sur l'île

La merde, son odeur remuée, son aspect visqueux et sa couleur dégueulasse, ça avait le don de rendre Lilly mal à l’aise. Elle ne savait pas pourquoi, mais ce truc là la faisait vomir, vraiment. Elle cachait cette gêne momentanée par de grands cris, des gestes de furies, des exclamations insensées, se retrouvant face à ses peurs enfantines. Elle avait envie de s’enfuir et de laisser Lolita se débrouiller comme une grande. Sur l’île, la nature primaire faisait horreur à la jeune fille qui se raccrochait à la cité comme une moule sur son rocher : c’était un lieu sûr et sécurisant, rien de plus. Lolita avait l’air paniquée et ce n’est pas Lilly qui l’aida, heureusement pour elles, la jeune fille reprit ses esprits rapidement et se dirigea vers l’eau bleu de l’océan. Le regard perdu sans le vague, Lilly repensait à son passé.

A ces rires lorsqu’elle avait douze ans et qu’une mouette lui avait chié sur l’épaule, une journée à la plage entre copines qui avait tourné au vinaigre. Une journée comme celle-ci, à rire, à s’éclater, à tenter de se sauver des regards parentaux. Une journée où on joue aux grandes et où le monde nous appartient, heureuses d’être réunies entre meilleures amies. Une journée qui avait fini directement sous terre pour Lilly, qui n’avait qu’une envie : se cacher dans le sable et ne plus jamais en sortir, une vision d’horreur qui la marqua assez pour y repenser à cet instant. Mais rien de pire que l’odeur qu’elle sentait envahir son espace en cet instant. Lolita elle, elle se débrouillait bien mieux et était vraisemblablement moins empotée, elle avait de la jugeotte et tentait de survivre aux vagues de la mer pour tenter de sauver chaussures de princesses et dignité. Elle appela au secours Lilly qui lui sourit et reprit ses esprits, riant avec elle de bon cœur à cette situation, s’approchant d’elle pour l’aider à garder l’équilibre, tant bien que mal. « Disons que ça aurait pu être pire, enfin je ne sais pas … Fais attention aux vagues, l’eau est parfois déchaînée ici, j’aimerais garder mon fessier au sec » Il ne manquait plus qu’elles tombent toutes les deux emportées par une vague un peu trop brutale. Ce qui fit toutefois rire la jeune femme, emportée par le fou rire de son amie du jour.

Lolita se nettoya un certain temps, tentant de chasser toute cette saloperie de là avant de filer sur la plage où elles s’installèrent toutes les deux. Lilly aimait beaucoup sentir les rayons du soleil sur sa peau, elle adorait avoir ce sentiment de se sentir en vacances, parfaites vacances de calme, d’île paradisiaque et de beauté paysagères. Elles étaient sur une île maudite mais parlaient en ce moment même d’une pauvre paire de chaussures détruite, ce qui fit sourire Lilly, trop heureuse de se raccrocher à une normalité qui était la sienne. « Les pauvres, oui elles méritent bien une petite cérémonie après tout ce qu’elles ont vécu ! Pire tragédie que leur fin. Je t’aurais bien proposé une après-midi shopping pour oublier mais on pourrait faire une petite fête d’adieux. » Les fêtes, il n’y avait finalement que ça qui comptait ici, pour Lilly.

· J'ai le droit d'exiger l'obéissance parce que mes ordres sont raisonnables ·
Le 31 août 2020 · ft. @Lilly — J#10

Quand je regardais Lilly, rire à l'unisson avec moi... J'avais beau savoir que c'était faux, j'avais construit cet instant rieur pour qu'il soit comme ça, justement pour l'induire et la forcer à se joindre à moi. Pourtant, pendant une seconde, j'ai eu l'impression de voir Tiff. Elle avait la même petite paillette dans l'œil qui, même quand on pensait qu'elle s'éteignait, revivait de plus belles. Ses mots étaient toujours simples, bien intentionnés, délicats, rassurants... Comme Lilly. C'était perturbant de me dire que la personne qui me manquait cruellement de ma vie d'avant, j'arrivais à la retrouver quelque peu ici, tout juste après quelques jours de déambulations dans cette ville pourtant si... horrible ? N'est-ce pas ? Oui. Oui oui, définitivement horrible.

Je décidais alors de me concentrer sur la cérémonie prévue pour mes petites sandales. « Ouiii ! Hmm, par contre, je ne sais pas si j'ai envie que tout le monde vienne... Je veux dire, on était que toutes les deux, ils vont tous me prendre pour une folle de faire un enterrement pour des chaussures. Je préfère qu'on reste que toutes les deux ! ». A-vec-ma-meil-leure-a-mie « Viens, on va chercher de quoi faire une espèce de petit radeau pour les mettre dessus, et les envoyer au large. Qu'est-ce-que ce serait cool qu'on puisse tirer une flèche enflammée dessus... Le Leader, il a pas ça chez lui ? Un arc et des flèches ? Je suis sûre que si. On a tous le droit d'avoir des armes ou pas ? » Allez, hop, perds pas le nord Eve, t'as plein de questions que tu veux lui poser, il faut que cette petite fête d'adieux comme elle dit serve à te renseigner. Arrête de pleurer tes chaussures ! Elles seraient mortes trop rapidement de toute façon, avec le sel et le sable, et personne ici n'a de crème nourrissante pour le cuir, ma foi (p'tet de la graisse de baleine, ceci dit ?).

Je commence alors à la tirer un peu dans la lisière de la forêt, pas trop loin. Je trouve, assez proche de la plage, un gros morceau d'écorce qui fera parfaitement l'affaire. Puis il y a un joli buisson, avec pas mal de belles plantes, de belles feuilles. Si on fait une couronne, on pourrait la mettre autour des chaussures comme une auréole divine qui nimberait leur parfaite petite existence. « Ouuuh, tu saurais faire une jolie couronne de feuilles et fleurs avec ça, toi ? Je suis sûre que oui, t'as l'air super douée ! Parce que tu fais quoi toi exactement dans la Cité, comme rôle ? C'est un peu abstrait encore pour moi, tout ce qu'on peut y faire... Créatrice de mode, ça fonctionnerait tu penses ?! Hahaha ! ». Il y a deux secondes encore, on hurlait à cause de cette horreur dans laquelle je marchais. Vraiment, à nos âges, on est aussi versatiles et lunatiques que des petits papillons qui essayent de butiner tout ce qu'ils croisent !