Away (Moana)

— Away
01.08 ou jour 1042, ft. @Moana

Midi est passé. Ça fait des mois que tu regardes midi passer avec les mêmes questions qui te trottent sans cesse dans le crâne : est-ce que j’vais sortir de ce putain de campement un jour ? Est-ce que la douleur, la brûlure que j’ressens dans la jambe, finira par disparaître complètement un jour ? Est-ce que j’vais devoir avaler ce truc qui m’fait presque tomber dans les vapes tous les soirs jusqu’à ce que le 1460e soir vienne ? Jusqu’au dernier midi où Nil viendra me prendre pour me garder entre ses bras froids à jamais ? Tu ne supportes pas de dépendre des autres. Encore moins de dépendre de lui. Tu ne supportes pas de t’endormir si profondément que n’importe qui pourrait entrer dans ta hutte et tu broncherais même pas. T’as pas l’habitude d’être confinée au campement. T’as trop de temps ici. Trop de temps pour penser, trop de temps pour retourner des questions auxquelles t’avais jamais été confrontée en presque trois années passées sur le sol de cette île maudite. T’as vu trop de gens mourir, trop de gens partir et trop de gens arriver. Tu t’es laissée aller à apprécier tellement de gens pour finir par les voir partir… et t’es fatiguée.

Tu broies du noir depuis l’instant où t’as ouvert les yeux ce matin. Parce qu’il avait promis qu’il sera là quand tu t’éveillerais, mais tu l’avais vu nulle part depuis que tu t’étais endormie la veille. Et il osait se plaindre que tu lui faisais pas assez confiance… Tu broies du noir parce que t’as rien à faire ce matin. Parce que tu dois attendre que les explorateurs rentrent de leurs excursions pour t’atteler à tes tâches. Alors t’as traversé la Cité et tu t’es affalé sur la plage de sable blanc pour regarder les vagues s’échouer sur la plage et continuer à te morfondre, continuer à remuer des questions que tu aurais préféré ignorer…

#rplibre

Out of suffering have emerged the strongest souls; the most massive characters are seared with scars.

away | featuring @luz
01.08.20 - day 999

Aujourd'hui, tu t'es levé avec difficulté, alors tu décides de t'ancrer. Ton repère sur cette île, c'est la plage de sable blanc. C'est près de l'eau que tu te sens le plus en sécurité, alors cela n'a rien d'étonnant quand on te connait. Tu aimes t'asseoir et contempler les vagues. Tel un rendez-vous en tête à tête avec l'océan. Tu apprécies la douceur de la brise marine sur ton visage, laissant tes cheveux danser au rythme du vent. La beauté de cette vue t'immerge dans un sentiment de calme déconcertant. Mais rapidement, un poids se fait sentir. Le poids du temps. Il coule. Chaque jour. Sans pitié. Sans te laisser de deuxième chance. Face à lui, tu es impuissant. Malgré ta nature optimiste et aventurière, tu mentirais si tu disais que tu n'as pas peur. Peur de ne pas trouver une foutue porte. Peur de ne pas trouver un moyen de sortir d'ici. Peur de ce qu'il y a après, s'il y a bien quelque chose. Encore pire, peur de ce qu'il n'y a pas. Mais, tu ne flanches pas pour autant. Tu restes forte. C'est ton devoir. Les pieds nus dans le sable, tu savoures ce moment de bonheur que tu sais éphémère.  

Tu aperçois au loin une silhouette qui s'approche de la plage. C'est une femme qui est venue se poser tout en douceur, sur le sable blanc. C'est Luz qui s'assied face à la mer, regardant les vagues s'échouer non loin de ses pieds. Tu te diriges silencieusement en sa direction. Tu ne voudrais surtout pas déranger son moment de paix. Ou serait-ce plutôt un moment de doute. Tu sais que ce n'est pas facile d'être ici. De maintenir un état d'esprit positif et plein d'espoir. Tu connais trop bien ce regard vide, en souffrance. Pleins de questions, sans réponses. Ce n'est pas bien de trop réfléchir, tu sais. Pas ici en tout cas. Pas sur cette île. Elle les envahit et les assombrit. Ne la laisse pas faire. Reste forte, comme je sais que tu l'es. Tu ne peux pas t'empêcher de l'encourager. Tu le vois bien qu'elle n'est pas au sommet de sa vie. Elle est bloquée au campement et ça la bouffe de l'intérieur. Tu le sais, parce que toi, tu aurais réagit de la même façon. Voir pire. Tu dois bouger, agir. Constamment. Sinon, tes pensées te dévorent. T'empêchent de vivre. Tu le sais. Alors, tu ne peux qu'admirer sa force et tenter de la réconforter, sinon la renforcer. Parce qu'au fond, on a tous nos démons, nos regrets, nos fantômes, nos souffrances.

Tu bronches à peine en entendant sa voix. Moana, elle fait partie du paysage sur cette plage. T’avais toujours cru que cette beauté des îles était dans son élément plus que quiconque sur ce monticule de terre planté au sommet des vagues. Peut-être d’ailleurs que t’es venue ici inconsciemment dans l’espoir de la trouver. Parce que Moana et toi, vous êtes arrivées à un peu plus d’un mois d’intervalle. Vous en avez partagé des aventures depuis. Elle connaît des choses à ton sujet que personne d’autre ne sait. Elle était là, le jour où tu avais laissé la porte passer sans broncher. Elle n’avait pas essayé de l’attraper, parce que c’était contraire aux règles, mais elle n’avait pas manqué de te hurler dessus. Le mirage était passé si près de toi qu’il t’avait presque effleurée. Comme un clin d’œil rempli de sarcasme de la part de Nil. Peut-être parce qu’elle savait qu’au fond de toi, t’étais terrifiée de ce qui pouvait bien t’attendre de l’autre côté, que t’étais terrifiée à l’idée d’abandonner tous ceux à qui tu t’étais attachée.

« Le seul moment où j’l’entends plus c’est quand j’avale mon remède et que j’tombe dans les vapes jusqu’au lendemain matin. Sur cette île, Nil est partout. Ses murmures menaçants filtrent entre les feuilles des arbres qui bruissent au vent, dans le ressac qui effleure tes pieds nus, dans la brise qui frôle ton visage. Ils s’enroulent autour de toi comme un caresse que tu sais hypocrite. Depuis que ce fauve t’a attaquée dans la jungle, les chuchotements de Nil ne te disent rien qui vaille. Plus que jamais, t’es convaincue qu’elle est déterminée à te garder auprès d’elle pour toujours. Tu trouves que j’ai l’air forte, toi ? J’me sens comme une gamine à avoir besoin d’une nounou pour me surveiller la nuit et d’une escorte pour aller me laver tous les jours… Tu gigotes un peu les orteils pour enfoncer tes pieds dans le sable chaud et mouillé sans oser la regarder dans les yeux. Parce que dans les tiens y avait ce vide, cette torpeur dans laquelle t’étais figée depuis des jours maintenant. Je vais finir par devenir folle si je bouge pas bientôt… »

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away | featuring @luz
01.08.20 - day 999

C'est donc face à ses démons que tu retrouves aujourd'hui Luz, sur la plage. Les pieds plongés dans le sable chaud, elle se morfond dans le décor. Tu ne peux t'empêcher de penser à ce jour. Le jour où la porte a carrément flotté devant elle, mais la peur l'a bloquée. Elle ne l'a pas prise. Elle aurait pu être loin d'ici. Loin de cette maudite île aux contours sombres. Mais elle est restée bloquée. Sans bouger. Sans agir. Il était dans ton devoir de la rappeler à l'ordre, mais au fond, ton cœur saignait pour elle. Tu savais que cet évènement l'a marquerait pour toujours. Il l'a rongerait même parfois de l'intérieur. C'est ce qu'ils nous font. Les choix qu'on aurait pu prendre. Ils allument la mèche et nous observent brûler. En souriant, en plus. Le pire, ce sont les conséquences des actes pour lesquels on donnerait tout, pour que ça se soit passé autrement. Le pire de pire, c'est que c'est trop tard et qu'on se fait du mal toutes seules. Ainsi est la vie. Tu sais qu'elle souffre, au fond. Tu comprends sa souffrance. L'origine de sa peur. Après tout, quand on prend une porte depuis le monde réel, on sait qu'on atterri ici. Peu importe ce que ici représente. Mais, quand tu attrapes une porte sortante, tu ne sais pas où tu vas. Du moins, pas avec certitude totale, car tu n'en reviens jamais. C'est un peu comme la mort après tout, tu ne sais pas vraiment où tu vas. Certains se réfugient alors dans la religion, car cela les rassure d'avoir une destination. L'enfer. Le paradis.

Le seul moment où j’l’entends plus c’est quand j’avale mon remède et que j’tombe dans les vapes jusqu’au lendemain matin. Dit-elle d'un ton nonchalant. Ce n'est pas bon signe tout ça. Ce n'est pas une bonne idée de se laisser discrètement avaler par la noirceur de cet endroit. Tu trouves que j’ai l’air forte, toi ? J’me sens comme une gamine à avoir besoin d’une nounou pour me surveiller la nuit et d’une escorte pour aller me laver tous les jours… Tu ne peux que sourire en l'entendant prononcer ses quelques mots. C'est parce qu'elle est si active normalement, qu'elle réagit comme ça. C'est naturel et tu ne peux comprendre, car tu es de nature pareille. Ne t'inquiètes pas. Crois moi, tu réfléchis trop. Tu es éphémère. Surtout ici, tu le sais. Ta situation physique n'est pas une exception. Dans maximum un mois, tu seras en pleine forme et prête à tout affronter de nouveau. On a tous besoin d'un temps de repos, alors arrête de t'en vouloir. Dis-tu en souriant, alors que tu prends place sur le sable chaud, à ses côtés. Tu essayes de trouver les mots justes, de la rassurer. Pour toi, vous êtes similaires toutes les deux. Étant arrivées presque en même temps, vous avez vécu des expériences similaires, mais surtout, vous avez vécu beaucoup de moments ensemble. Avec le temps, vous avez appris à très bien vous connaître. En tout cas, ce qu'on peut connaître dans un tel contexte. Je vais finir par devenir folle si je bouge pas bientôt… Tu ne connaissais que trop bien l'origine de ses paroles. Nourries par la peur de rester figée à nouveau, dans une porte. De ne pas avoir le courage de tout quitter. Tout recommencer. De nouveau. Te lancer dans l'inconnu. Hantée par ce qui se cache réellement derrière ses portes. Je suis sûre que c'est bientôt ton tour. Je le sens. Dès que tu iras mieux, on se fera une mission de recherche. Si tu me fais un sourire, je te fais même peut-être passer dans la liste prioritaire. Tu ne peux rien faire d'autre, alors tu la rassures. Tes yeux balayent le paysage, qui te rappelle ta ville natale, qui te manque tant. Ton cœur saigne de l'intérieur, alors que tu crois presque y être.

Ses paroles calmes et posées allument une petite braise de colère au fond de toi. Un tison qui meurt aussi rapidement qu’il est apparu. Elle est si terre à terre, Moana. Si lucide malgré tout qui peut arriver. Et elle est comme toi. Elle en a vu arriver, des gens. Elle en a vu mourir autant qu’elle en a vu partir. Elle s’est probablement attachée à ces gens qui ont croisé sa route. Pourtant, elle ne semble pas perdre espoir, elle. Une partie de toi te répète que t’en a bien plus bavé qu’elle avec cette blessure que tu traînes depuis des mois, mais jamais tu pourrais lui reprocher de ne pas avoir subi ce que t’avais vécu.

« Mais ça fait sept mois, Mo’. Sept mois que j’suis coincée dans cette foutue Cité. Sept mois que j’ai mal, que j’arrive pas à dormir, que je tourne en rond. » Le pire ? C’est que tu sais exactement ce que tu dois faire pour te remettre sur pieds. Sauf que chaque fois que t’as essayé de t’y mettre, t’as eu tellement mal que t’as baissé les bras. Tu peux plus retenir cette paranoïa qui te ronge. « Elle me laissera pas partir. Tu chasses une larme qui vient de déferler discrètement sur ta joue. Tu le sais, toi. J’ai eu ma chance de partir et je l’ai laissée filer parce que j’avais trop la trouille. Ce tabou que tu ressens juste en prononçant ces mots. Cette impression d’être une véritable parjure, une traîtresse envers tous les autres habitants de la Cité que tu regardes dans les yeux chaque jour comme si de rien n’était, te prétendant même légitime de les diriger… Je mérite pas de partir. Si je prends une autre porte, ça veut dire que je vole la sortie d’un autre. Et elle me le souffle sans cesse, Mo’… elle me laissera jamais partir. Elle veut m’bouffer. » T’as la voix qui meurt dans ton gosier, les sanglots qui menacent de te secouer.