Somber minds (Lilly)

— Somber Minds
30.08 ou jour 1071, ft. @Lilly

Le soleil te pèse dessus comme une chape de plomb. Il te brûle la nuque comme si une flamme dansait tout près de ta peau. Midi est passé. Encore. La chaleur devrait finir par tomber, que tu te dis, accroupie près du feu de camp à broyer des herbes séchées dans un mortier, y mélangeant un peu d'eau bouillante pour créer une pâte qui servira à engourdir les maux. Tu ne peux que songer à cette porte que tu as peut-être encore manquée, au sort qui t'attends dans tout juste un peu plus d'un an. C'est plus fort que toi, Luz. T'essaies de l'oublier, cette épée de Damoclès qui tangue dangereusement au-dessus de ta tête, mais tu peux pas. T'y arrives pas. Surtout aujourd'hui. Après tout ce qui s'est passé hier. Après tout le sang qui a imbibé la terre sous tes yeux, après avoir vu Nil s'abreuver de la vie d'un de ses otages. Tu te demandes si quelqu'un les a retrouvés, Polina et Raoul. Tu maudis cette règle non écrite que tous respectent depuis ton arrivée dans cette Cité : celle qui veut qu'on ne parle pas d'avant. Les familles de Polina et Raoul ne sauraient jamais ce qui leur était arrivé. Ils ne seraient que des cold cases de plus dans les archives d'un poste de police. Et ça te fout le cafard.

Des pas précipités font crisser le sable derrière toi. Tu lèves le regard, plaçant ta main en visière pour poser tes iris sur le visage tourmenté de Lilly. Dans une autre vie, t'aurais probablement jamais abordé Lilly. Tu ne l'aurais sûrement jamais considérée comme une potentielle amie. Parce que dès qu'on posait les yeux sur son joli minois, on lisait sa nature à la fois douce et naïve, mais aussi son caractère de peste. Tu n'avais jamais lié d'amitié avec ce genre de fille dans ta première vie. Sur Nil, les choses étaient différentes. Sur Nil, les amitiés pesaient lourd dans la balance lorsqu'il était question de vie ou de mort. Et ta première rencontre avec Lilly, lorsqu'elle était apparue sur la plage, avait illuminé une journée sombre, t'avait fait comprendre que tu n'étais pas aussi inutile que tu en avais l'impression.

« Ça va, Lilly ? » Tu plisses les yeux face à la lumière intense de l'astre du jour, tentant de discerner ses émotions sur son visage.

1er Septembre 2020
192 jours sur l'île

La chaleur est écrasante aujourd’hui, ce genre de moiteur inconfortable qui ne te donne qu’une envie : rester allonger à l’ombre, guettant le moindre petit courant d’air frais. La journée idéale dans l’encyclopédie spéciale flemmard de Seven. Lilly sourit à cette perspective et se faufile entre les cocotiers, pensant à l’emmener dans un coin, juste lui et elle, profiter d’un moment de calme et de détente. Elle ferme les yeux un instant, apaisant son cœur de souvenirs, des mains du jeune homme sur son corps et de leurs baisers échangés au gout salin, et si c’était ça, le paradis ? Elle passe plusieurs longues minutes à le chercher, elle ne l’a pas vu depuis des jours mais il faut dire qu’il est doué pour se planquer et ne rien glander, il pourrait prétendre au poste de leader là-dessus. La température monte doucement, Lilly est alpaguée par certains habitants, elle leur sourit, elle les conseille et leur dit qu’elle fera son possible, certains s’affairent à consolider les murs de l’enceinte et les souvenirs des derniers jours surgissent de nouveau dans son esprit.

Du sang, des cris, des pleurs, des disparus et tout un tas de personnes qui vont et viennent. La journée est pesante, on gesticule dans tous les sens, on bouge, on hurle des ordres et tout le monde court, le temps nous est compté. Elle se souvient encore cette mini escapade, elle se souvient encore de cette vue et d’avoir rebroussé chemin bien trop vite. Elle s’est échappée et est rentrée, préférant faire fonctionner le peu de muscles qu’il lui restait, sentant son cœur bien trop fragile. Elle travailla assez dur, assez pour s’endormir bien trop vite le soir venu et ne pas entendre les cris, les pleurs et les chuchotements annonçant des disparitions. Elle s’était levée innocemment, elle avait oublié la veille et les mauvaises nouvelles, plus personne n’en parlait, tous avaient le cœur gros. Aujourd’hui serait une journée de repos, elle l’avait espéré. Elle fut d’abord une matinée à le chercher. Il n’était vraisemblablement pas dans la cité, il ne se planquait pas, il n’était pas présent. Alors elle court, le visage désormais crispé, elle court sans but, cherchant la première âme qui pourrait l’épauler, elle n’avait pas assez de force. Rapidement, c’est sur Luz qu’elle tombe et Lilly est à moitié soulagée, Luz saura quoi faire. Luz, elle est forte, elle est son épaule sur qui elle s’est reposée dès le début, elle est celle qu’elle a suivi aveuglement, peut être est-ce dû à son rôle dans sa survie, elle était devenue un pilier assez fort pour deux et supporter sa connerie.

Lorsqu’elle reconnut Lilly, elle lui demanda si elle allait bien. Elle ne réfléchit pas trop longtemps, non, elle n’allait pas bien. Elle avait d’abord ri en le croyant rêvant au grand air, elle avait fini par paniquer, où était Seven ? « Je cherche Seven … Tu ne sais pas où il serait ? » Elle n’avait pas envie d’entendre la moindre information qui pourrait la déstabiliser, elle avait juste envie de le retrouver et le serrer dans ses bras, trop attachée à lui.